Bécassine va sur ses cent ans. Nous la connaissons tous... Du moins le croyons-nous puisque, génération après génération, son inoubliable silhouette ronde, sa coiffe blanche et sa jupe verte ont définitivement conquis, dans l'iconographie littéraire, une place chère à nos cœurs.
Prisonnière de sa réputation de sotte, figée dans sa légendaire balourdise provinciale, cette incomprise appelle une réhabilitation méritée. Les rouages de l'imaginaire, mystérieux et délicats, dévoilent deux auteurs talentueux et diversement méconnus. Maurice Languereau, alias Caumery, grand bourgeois observateur et caustique, ne se contente pas de jauger son époque : riche d'une pudique tendresse, il nous laisse découvrir par le biais de son personnage féminin ses propres joies et peines, ses angoisses et ses désirs, livrant ainsi la trame inconsciente de toute une existence. Et Joseph-Porphyre Pinchon, fin dessinateur au trait spirituel, qui lui apporte durant quarante-cinq ans une complicité discrète et sans défaillance.
Bécassine, héroïne séculaire, porte-parole de son auteur, témoin des bouleversements de son temps, est aussi interprète de sentiments universels : telles sont, parmi d'autres, quelques-unes des surprises révélées par cet ouvrage.
Créatrice autant que créature, personnage paisiblement échappé à son auteur, la célèbre Bretonne aborde aimablement le troisième millénaire, impavide et plus vivante que jamais.