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Etonnante rencontre que celle de Levinas avec Arendt. Pourquoi vouloir faire dialoguer aujourd'hui des pensées si différentes ? Pour l'un comme pour l'autre, penser suppose un arrachement, une évasion : un désensorcellement de ce qui est. Non pas contre une supposée "nature" déterministe, mais à partir de ce qui demeure notre condition, la condition de notre liberté : le corps, le temps, le monde comme monde commun, la transcendance de l'autre.
C'est dans la lecture de Proust que cristallise entre eux comme une connivence autour de l'idée que l'acte créateur du sujet peut donner sens à un temps retrouvé où il est permis d'espérer habiter à nouveau le monde. Ils nous offrent une méditation sur les temps sombres qui n'enferme pas, mais ouvre, faisant réémerger de dessous les décombres la brèche incolmatable de la liberté. Ce volume parcourt, selon des tracés différents, le cheminement suivi par Arendt et par Levinas pour retisser une visée de l'universel, qui, tout en intégrant les droits humains fondamentaux, ne se contente pas de l'abstraction du discours "droits-de-l'hommiste".
Les auteurs interrogent ces deux grandes figures de la pensée contemporaine qui redonnent sa place à une subjectivité d'avant le sujet, à une spontanéité d'avant la liberté discrétionnaire. Arendt comme Levinas visent un dépassement du fatum de la violence grâce à cet universel inchoatif qu'est l'expérience de l'altérité, de la pluralité, de l'histoire. De cette expérience humaine fondamentale émerge une responsabilité éthique et politique reprenant l'injonction à la justice, non dans l'évasion hors du monde, mais bien dans une responsabilité pour le monde qui s'éveille d'abord à elle-même comme désir charnel de ce monde, abri fragile de l'humanité.