Argent

Katy Siegel : Pourquoi les artistes d'aujourd'hui s'intéressent-ils tant à l'argent et en parlent-ils si souvent dans leurs œuvres ? Paul Mattick : Je crois que c'est parce que l'idée que les beaux-arts sont séparés du " quotidien " ou de la " vie ordinaire " - non seulement séparés mais meilleurs, plus beaux, plus raffinés, plus élevés - se délite depuis une trentaine d'années. D'où la dérive progressive de l'art vers la forme culturelle dominante : le divertissement de masse. Cela est manifeste dans le déplacement vers la " production ", au sens hollywoodien du terme, loin du modèle de l'individu seul dans son atelier. D'où la volonté partagée de reconnaître (ou même de célébrer) la place de l'argent dans l'art. Pour les riches, l'argent n'est plus quelque chose dont il faut avoir honte : ils le considèrent à la fois comme la plus bénigne et la plus puissante des forces sociales. Katy Siegel : Mais il est étrange de constater qu'à une époque où, plus que jamais, nous reconnaissons l'existence d'une relation étroite entre l'art et l'argent, nous attendons de l'art le plus avant-gardiste qu'il résiste au marché. Ce que le marché convoite le plus est souvent un art qui semble être critique envers le capitalisme. Pourquoi ?