Juliette Rigondet a vécu son enfance dans une ferme du Cher à Milly, un petit village comme il y en a des milliers en France. Un paysage qui hésite entre la Champagne Berrichonne composée de plaines maussades et les prairies vertes, boisées et vallonnées du Bourbonnais tout proche. Une terre dure, âpre mais à laquelle sont attachés François – le frère de l’auteure – et Joël qui travaille avec lui depuis quatorze ans et dont Juliette Rigondet raconte la vie immergée au coeur d’une nature sans concession.
“Le soin de la terre” n’est ni un un roman, ni une biographie,
ni véritablement un livre de témoignage. C’est à la fois la célébration de deux existences au service de la terre, à travers la succession des saisons, un éloge de la lenteur et un livre d’histoire. On retrouve au détour des pages des descriptions qui font beaucoup penser à certains textes de Fernand Braudel. “En ce début de mai, la nature reprend des couleurs, des odeurs et de la rondeur. Couleur dans les champs, où le vert gagne du terrain sur le brun des sols, couleurs des branches des arbres d’où sortent les nouvelles feuilles, couleurs des buissons d’aubépine piquetés de fleurs. Odeur d’humus, de fleur de colza du voisinage, mais aussi, tôt le matin comme en soirée, un parfum plus canaille, animal qui remonte de la terre, indéfinissable, troublant et vivant. Rondeur enfin des bois redevenus pommelés, des bordures de champ, des chemins et des routes où se balancent herbes hautes, fleurs de carotte, bleuets et coquelicots qu’on a envie de caresser. Rondeur aussi, déjà des cerises, des pommes, des poires ou des noix qui prennent forme dans les arbres.” Un état des lieux qui évoque les courbes et les aspérités de la terre, ses mutations et ses gestations permanentes.
Juliette Rigondet met aussi en évidence les évolutions considérables que l’agriculture a subies en quelques décennies à travers cette exploitation de plus de 200 hectares, les machines, les engrais, les pesticides, l’augmentation de la productivité. François et Joël vont finalement opter pour une agriculture bio, plus respectueuse de l’environnement mais ces techniques sont exigeantes et réclament un matériel adapté onéreux qui rendent l’exploitant dépendant des aides à l’agriculture bio.
“Le soin de la terre” est un livre qui exalte à la fois la beauté d’une terre généreuse, le courage de ceux qui la travaillent tout en pointant parallèlement les impasses vers lesquelles le productivisme conduit le monde agricole. L’exploitation de François et Joël semble soudain bien fragile face aux multinationales des semences et des produits chimiques. Pourtant leur travail et l’amour qu’ils nourrissent pour la terre est un message d’espoir pour les générations à venir. Un très beau livre en vérité.
Archibald PLOOM (CULTURE-CHRONIQUE.COM)
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Juliette Rigondet a vécu son enfance dans une ferme du Cher à Milly, un petit village comme il y en a des milliers en France. Un paysage qui hésite entre la Champagne Berrichonne composée de plaines maussades et les prairies vertes, boisées et vallonnées du Bourbonnais tout proche. Une terre dure, âpre mais à laquelle sont attachés François – le frère de l’auteure – et Joël qui travaille avec lui depuis quatorze ans et dont Juliette Rigondet raconte la vie immergée au coeur d’une nature sans concession.
“Le soin de la terre” n’est ni un un roman, ni une biographie, ni véritablement un livre de témoignage. C’est à la fois la célébration de deux existences au service de la terre, à travers la succession des saisons, un éloge de la lenteur et un livre d’histoire. On retrouve au détour des pages des descriptions qui font beaucoup penser à certains textes de Fernand Braudel. “En ce début de mai, la nature reprend des couleurs, des odeurs et de la rondeur. Couleur dans les champs, où le vert gagne du terrain sur le brun des sols, couleurs des branches des arbres d’où sortent les nouvelles feuilles, couleurs des buissons d’aubépine piquetés de fleurs. Odeur d’humus, de fleur de colza du voisinage, mais aussi, tôt le matin comme en soirée, un parfum plus canaille, animal qui remonte de la terre, indéfinissable, troublant et vivant. Rondeur enfin des bois redevenus pommelés, des bordures de champ, des chemins et des routes où se balancent herbes hautes, fleurs de carotte, bleuets et coquelicots qu’on a envie de caresser. Rondeur aussi, déjà des cerises, des pommes, des poires ou des noix qui prennent forme dans les arbres.” Un état des lieux qui évoque les courbes et les aspérités de la terre, ses mutations et ses gestations permanentes.
Juliette Rigondet met aussi en évidence les évolutions considérables que l’agriculture a subies en quelques décennies à travers cette exploitation de plus de 200 hectares, les machines, les engrais, les pesticides, l’augmentation de la productivité. François et Joël vont finalement opter pour une agriculture bio, plus respectueuse de l’environnement mais ces techniques sont exigeantes et réclament un matériel adapté onéreux qui rendent l’exploitant dépendant des aides à l’agriculture bio.
“Le soin de la terre” est un livre qui exalte à la fois la beauté d’une terre généreuse, le courage de ceux qui la travaillent tout en pointant parallèlement les impasses vers lesquelles le productivisme conduit le monde agricole. L’exploitation de François et Joël semble soudain bien fragile face aux multinationales des semences et des produits chimiques. Pourtant leur travail et l’amour qu’ils nourrissent pour la terre est un message d’espoir pour les générations à venir. Un très beau livre en vérité.
Archibald PLOOM (CULTURE-CHRONIQUE.COM)