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L'amour semble la seule force capable de subvertir la fatalité du destin, de conjurer les sortilèges du social. Pierre Bourdieu y voyait une "trève miraculeuse" qui suspend toute domination ; à son tour, en ouverture du 24e Forum Philo Le Monde - Le Mans, Alain Badiou célèbre "l'espace libre ouvert par l'amour" : la grande passion est l'unique chemin non seulement vers une pensée véritable, mais vers un lien authentique avec autrui.
Elle apporte un cinglant démenti à l'idée selon laquelle chaque individu recherche exclusivement son propre intérêt. "Je t'aime" : cette simple formule constitue un "défi d'existence" à toute langue humaine ; il est l'autre nom de l'éthique, puisqu'il met à l'épreuve notre responsabilité à l'égard d'autrui. Et parce que l'amour, c'est toute une histoire, ce sentiment apparaît inséparable d'un questionnement sur notre rapport au récit, à la fiction et à la littérature.
C'est que la raison n'est en rien désincarnée. Depuis Platon, elle est aussi et d'abord affect, émotion, élan passionné. Sans jouissance, il n'y a pas de discours. Esquiver l'amour, c'est s'interdire de penser.