Dans son ouvrage, le journaliste Jacques Gelin présente, de manière parfois passionnante, parfois fastidieuse, le déroulement détaillé d’une investigation approfondie et bien référencée. Afin d’éviter que le lecteur ne perde trop le fil, il offre un résumé de ses résultats à la fin de chaque chapitre. En gros, en ce qui concerne le mystère de l’arrestation de Jean Moulin, sujet de son livre, Jacques Gelin consolide les preuves de la culpabilité de René Hardy, qu’il nuance par le fait, un peu moins inavouable aujourd’hui qu'hier, que, d'après lui, celui-ci, patriote courageux,
pensait servir la France en provoquant l'élimination d'un dirigeant qu’il jugeait sur le point de favoriser la mainmise du parti communiste sur la Résistance.
Tout d’abord, se fondant sur des témoignages de première main, ceux de Marcel Degliame et de Claude Bourdet, cadres du mouvement de résistance Combat, celui du colonel Oscar Reile de l’Abwehr (service de renseignements de l’armée allemande), Jacques Gelin nous apprend que René Hardy, régulateur SNCF, créateur du NAP-Fer, chef du 3e bureau de l’Armée secrète, devenu très anticommuniste, travaillait aussi pour plusieurs services de renseignements (vichystes antiallemands, britannique, américain) et entretenait également des rapports avec un officier antinazi de l’Abwehr dès janvier 1943, mois au cours duquel ce dernier lui a fait rencontrer Lydie Bastien, une très belle jeune femme, à qui il a donné pour mission de le séduire afin de le surveiller de près.
Puis, Jacques Gelin rappelle un épisode capital et désormais très connu : dans la nuit du 7 au 8 juin 1943, René Hardy, reconnu par un résistant retourné (Jean Multon) qu’accompagne l’agent K30 de l’Abwehr (l’Alsacien Auguste Moog), est intercepté dans le train Lyon-Paris. Remis à Klaus Barbie, lieutenant SS, chef de la section IV (« Gestapo ») de la Sipo-SD (police de sécurité allemande) à Lyon, il accepte de collaborer croyant la vie de sa maîtresse Lydie Bastien menacée, et passe ainsi, selon Jacques Gelin, du statut de collaborateur volontaire des antinazis de l’Abwehr à celui de collaborateur involontaire des nazis de la Sipo-SD. Cependant, Jacques Gelin se demande si tout cela ne faisait pas partie de la vaste opération militaire d’intoxication des Allemands menée par les Alliés pour faire croire à ceux-ci qu’un débarquement aurait lieu en Provence en été 1943 afin de détourner ainsi leur attention de la Sicile. En effet, durant la semaine du 10 au 17 juin, où il se trouve dans les locaux de Klaus Barbie, René Hardy reconstitue pour ce dernier le plan de sabotages ferroviaires en vue du débarquement fictif en Provence.
Une fois relâché sans avoir été maltraité, il avoue avoir été appréhendé (mais pas identifié à son rang dans l'Armée secrète ?) par les Allemands à l'adjoint de Henri Frenay à la tête de Combat, Pierre de Bénouville, lequel l’envoie tout de même à la fameuse réunion prévue le 21 juin dans la maison du docteur Frédéric Dugoujon à Caluire, où Jean Moulin doit désigner un successeur temporaire au chef de l’A.S., le général Charles Delestraint, qui vient d’être arrêté à Paris. Jacques Gelin relate de façon circonstanciée (car les détails ont une grande importance) l’épisode fatidique du 21 juin.
Suivi sur ordre de Klaus Barbie par l’agent double Edmée Delétraz, qui, au service de la Résistance, donne en vain l’alerte, René Hardy conduit les hommes de la Sipo-SD à la maison Dugoujon, d’après des témoignages et des rapports allemands incontestables (voir le rappel ci-dessous), permettant ainsi l’arrestation de Jean Moulin et de six autres dirigeants des MUR (Mouvements unis de résistance). De connivence avec Klaus Barbie, qui veut sans doute le protéger pour le réutiliser plus tard comme agent double, René Hardy feint de s’enfuir. Le seul à ne pas être menotté, relié à son gardien par une simple chaîne au poignet, il le frappe (ou le pousse brusquement ?) et court à travers la place Castellane. Un policier, muni d'un pistolet-mitrailleur, en faction près d'une traction avant, lâche une courte rafale au-dessus du véhicule ; deux autres tirent quelques coups de pistolets semi-automatiques et font mine de poursuivre le fugitif qu'ils récupèrent vraisemblablement en voiture un peu plus tard. Si un cantonnier l'aperçoit dissimulé et blême dans le profond fossé bordant la route, c'est sans doute que René Hardy n'est pas absolument sûr d'avoir la vie sauve. En tout cas, afin de dissiper les éventuels soupçons de ses camarades, les Allemands, à sa demande, le blessent d'une balle dans le bras sous la supervision d’un médecin qui s’assure que le projectile ne causera pas une blessure invalidante. René Hardy affirmera avoir été touché sur la place Castellane, mais il sera prouvé, après la guerre, que c’est absolument faux (trajet de la balle dans le bras : du poignet au coude ! examen de la veste mal stoppée : traces de poudre indiquant un tir à environ 40 cm). Comme des résistants, qui le croient coupable de trahison, tentent de l’empoisonner à l’hôpital français de l’ Antiquaille, il est transféré à l’hôpital allemand de la Croix-Rousse, d’où il prétend s’être évadé d’une manière rocambolesque alors qu’il a le bras dans le plâtre !
En fait, Jacques Gelin s'est rendu compte que René Hardy est libéré début août 1943 par les Allemands et qu'il se met au vert. Certes, ceux-ci semblent le pourchasser, mais Jacques Gelin révèle que son nom n'apparaît pas sur la liste des personnes vraiment recherchées à cette époque…
Ensuite, Jacques Gelin démontre, point par point, que, à l’issue de ses deux procès en 1947 et en 1950, René Hardy a été acquitté pour des raisons politiques dans le cadre de la guerre froide naissante et du conflit en Indochine. Effectivement, des documents et des témoins accablants pour Hardy ont été sciemment écartés, le commissaire du gouvernement ayant reconnu qu’on lui avait demandé d’être très clément...
Revenant à la période de l’Occupation, Jacques Gelin découvre que, fin 1942, un rapport, envoyé à Londres par le colonel Georges Groussard, chef des réseaux de renseignements militaires Gilbert, considérait Jean Moulin comme cryptocommuniste, puisqu’il avait été entouré, depuis le Front populaire et ses fonctions auprès de Pierre Cot, par des agents des services secrets soviétiques. Toutefois, Londres a disculpé Jean Moulin dès début 1943, de Gaulle estimant que seul cet homme de confiance très à gauche pouvait l'aider à circonvenir le PCF. Pourtant, Jacques Gelin envisage l’hypothèse qu’un complot politique a été ourdi en vue d’éliminer un Jean Moulin censé permettre aux communistes de prendre les rênes de la Résistance unifiée juste avant le débarquement allié que les résistants attendaient pour l’été 1943 à la suite de l’opération d’intoxication. En effet, si Pierre de Bénouville savait que René Hardy avait été parfaitement identifié par Klaus Barbie, en l’envoyant, en toute connaissance de cause, à la réunion de Caluire, il réglait ainsi le problème du conflit entre Jean Moulin et le mouvement Combat et entravait la prise de pouvoir redoutée des communistes, peut-être en accord avec Henri Frenay et le colonel Georges Groussard. Plus, comme Pierre de Bénouville était en relation étroite avec Allen Dulles des services secrets américains, Jacques Gelin suppose que celui-là pourrait avoir agi avec l’assentiment de celui-ci. Néanmoins, en définitive, Jacques Gelin n'apporte aucune preuve d’un tel complot, auquel, dans un message personnel, il me fait savoir qu’il croit fermement, tout en écartant la responsabilité du seul Henri Frenay.
En conclusion, voici un livre à lire absolument pour son enquête poussée, étayée de nombreux témoignages pertinents et, par là, éclairante, même si elle ne prouve pas l'existence d'un complot contre Jean Moulin.
De son côté, Jean-Pierre Azéma, historien patenté et réputé, spécialiste de la période, parle d’un traître (Multon), d’un coupable (Hardy) et d’un responsable (Bénouville).
Preuves de la culpabilité de René Hardy dans l’arrestation de Caluire :
I. Deux témoignages :
1) Celui de l'agent double Edmée Delétraz, au service de la Résistance, qui a affirmé avoir vu et entendu René Hardy donner à la « Gestapo » la date et l'heure de la réunion, et avoir été chargée de le filer jusqu'à son lieu que René Hardy ignorait encore ;
2) Celui de Klaus Barbie, chef de la section IV (« Gestapo ») du KdS (antenne régionale de la police de sécurité allemande) de Lyon et dirigeant sur place l'arrestation des participants à la réunion, lequel, de 1948 à 1990, a toujours déclaré que c'était René Hardy qui avait livré cette dernière.
II. Deux documents :
1) Le rapport Flora du KdS de Marseille, établi le 19 juillet 1943, qui mentionne que « Didot » (pseudo de René Hardy), en qualité d'agent double, a permis l'arrestation de Jean Moulin et de chefs des MUR ;
2) Le rapport Kaltenbrünner, signé par le chef du RSHA (Office central de la sécurité du Reich) le 29 juin 1943, qui précise que le KdS de Lyon a réussi, grâce à « un jeu d'agents » réalisé avec René Hardy, à mettre la main sur une réunion de dirigeants des MUR : Grâce à un jeu d’agents auquel Hardy s’est prêté, le commando d’intervention de la Sipo-SD de Lyon […] a réussi à surprendre une réunion de dirigeants des Mouvements unis de la Résistance.
Pour ma part, j'ai longtemps cru à l'innocence de René Hardy, mais, à la suite d'une très longue discussion avec deux historiens sur un forum en ligne, j'ai été convaincu de sa culpabilité. En effet, en bref, si beaucoup d'imprudences ont été commises par d'autres résistants surmenés, car traqués par les polices allemandes et vichystes, si des participants à la réunion de Caluire ont fait l'objet de filatures au cours de leur activité clandestine, si René Hardy n'était, au départ, pas d'accord pour se rendre chez le docteur Dugoujon, cela n'empêche pas qu'il ait ensuite décidé de renseigner le lieutenant SS Klaus Barbie, lequel n'avait aucune raison de mentir à ses chefs dans un rapport qui n'était pas destiné aux Français. De son côté, Edmée Delétraz, agent infiltré de la Résistance au sein de la « Gestapo », chargée de suivre René Hardy, a vraiment donné l’alerte...
Trahison ? Sans doute. Complot ? Peut-être.
Dans son ouvrage, le journaliste Jacques Gelin présente, de manière parfois passionnante, parfois fastidieuse, le déroulement détaillé d’une investigation approfondie et bien référencée. Afin d’éviter que le lecteur ne perde trop le fil, il offre un résumé de ses résultats à la fin de chaque chapitre. En gros, en ce qui concerne le mystère de l’arrestation de Jean Moulin, sujet de son livre, Jacques Gelin consolide les preuves de la culpabilité de René Hardy, qu’il nuance par le fait, un peu moins inavouable aujourd’hui qu'hier, que, d'après lui, celui-ci, patriote courageux, pensait servir la France en provoquant l'élimination d'un dirigeant qu’il jugeait sur le point de favoriser la mainmise du parti communiste sur la Résistance.
Tout d’abord, se fondant sur des témoignages de première main, ceux de Marcel Degliame et de Claude Bourdet, cadres du mouvement de résistance Combat, celui du colonel Oscar Reile de l’Abwehr (service de renseignements de l’armée allemande), Jacques Gelin nous apprend que René Hardy, régulateur SNCF, créateur du NAP-Fer, chef du 3e bureau de l’Armée secrète, devenu très anticommuniste, travaillait aussi pour plusieurs services de renseignements (vichystes antiallemands, britannique, américain) et entretenait également des rapports avec un officier antinazi de l’Abwehr dès janvier 1943, mois au cours duquel ce dernier lui a fait rencontrer Lydie Bastien, une très belle jeune femme, à qui il a donné pour mission de le séduire afin de le surveiller de près.
Puis, Jacques Gelin rappelle un épisode capital et désormais très connu : dans la nuit du 7 au 8 juin 1943, René Hardy, reconnu par un résistant retourné (Jean Multon) qu’accompagne l’agent K30 de l’Abwehr (l’Alsacien Auguste Moog), est intercepté dans le train Lyon-Paris. Remis à Klaus Barbie, lieutenant SS, chef de la section IV (« Gestapo ») de la Sipo-SD (police de sécurité allemande) à Lyon, il accepte de collaborer croyant la vie de sa maîtresse Lydie Bastien menacée, et passe ainsi, selon Jacques Gelin, du statut de collaborateur volontaire des antinazis de l’Abwehr à celui de collaborateur involontaire des nazis de la Sipo-SD. Cependant, Jacques Gelin se demande si tout cela ne faisait pas partie de la vaste opération militaire d’intoxication des Allemands menée par les Alliés pour faire croire à ceux-ci qu’un débarquement aurait lieu en Provence en été 1943 afin de détourner ainsi leur attention de la Sicile. En effet, durant la semaine du 10 au 17 juin, où il se trouve dans les locaux de Klaus Barbie, René Hardy reconstitue pour ce dernier le plan de sabotages ferroviaires en vue du débarquement fictif en Provence.
Une fois relâché sans avoir été maltraité, il avoue avoir été appréhendé (mais pas identifié à son rang dans l'Armée secrète ?) par les Allemands à l'adjoint de Henri Frenay à la tête de Combat, Pierre de Bénouville, lequel l’envoie tout de même à la fameuse réunion prévue le 21 juin dans la maison du docteur Frédéric Dugoujon à Caluire, où Jean Moulin doit désigner un successeur temporaire au chef de l’A.S., le général Charles Delestraint, qui vient d’être arrêté à Paris. Jacques Gelin relate de façon circonstanciée (car les détails ont une grande importance) l’épisode fatidique du 21 juin.
Suivi sur ordre de Klaus Barbie par l’agent double Edmée Delétraz, qui, au service de la Résistance, donne en vain l’alerte, René Hardy conduit les hommes de la Sipo-SD à la maison Dugoujon, d’après des témoignages et des rapports allemands incontestables (voir le rappel ci-dessous), permettant ainsi l’arrestation de Jean Moulin et de six autres dirigeants des MUR (Mouvements unis de résistance). De connivence avec Klaus Barbie, qui veut sans doute le protéger pour le réutiliser plus tard comme agent double, René Hardy feint de s’enfuir. Le seul à ne pas être menotté, relié à son gardien par une simple chaîne au poignet, il le frappe (ou le pousse brusquement ?) et court à travers la place Castellane. Un policier, muni d'un pistolet-mitrailleur, en faction près d'une traction avant, lâche une courte rafale au-dessus du véhicule ; deux autres tirent quelques coups de pistolets semi-automatiques et font mine de poursuivre le fugitif qu'ils récupèrent vraisemblablement en voiture un peu plus tard. Si un cantonnier l'aperçoit dissimulé et blême dans le profond fossé bordant la route, c'est sans doute que René Hardy n'est pas absolument sûr d'avoir la vie sauve. En tout cas, afin de dissiper les éventuels soupçons de ses camarades, les Allemands, à sa demande, le blessent d'une balle dans le bras sous la supervision d’un médecin qui s’assure que le projectile ne causera pas une blessure invalidante. René Hardy affirmera avoir été touché sur la place Castellane, mais il sera prouvé, après la guerre, que c’est absolument faux (trajet de la balle dans le bras : du poignet au coude ! examen de la veste mal stoppée : traces de poudre indiquant un tir à environ 40 cm). Comme des résistants, qui le croient coupable de trahison, tentent de l’empoisonner à l’hôpital français de l’ Antiquaille, il est transféré à l’hôpital allemand de la Croix-Rousse, d’où il prétend s’être évadé d’une manière rocambolesque alors qu’il a le bras dans le plâtre !
En fait, Jacques Gelin s'est rendu compte que René Hardy est libéré début août 1943 par les Allemands et qu'il se met au vert. Certes, ceux-ci semblent le pourchasser, mais Jacques Gelin révèle que son nom n'apparaît pas sur la liste des personnes vraiment recherchées à cette époque…
Ensuite, Jacques Gelin démontre, point par point, que, à l’issue de ses deux procès en 1947 et en 1950, René Hardy a été acquitté pour des raisons politiques dans le cadre de la guerre froide naissante et du conflit en Indochine. Effectivement, des documents et des témoins accablants pour Hardy ont été sciemment écartés, le commissaire du gouvernement ayant reconnu qu’on lui avait demandé d’être très clément...
Revenant à la période de l’Occupation, Jacques Gelin découvre que, fin 1942, un rapport, envoyé à Londres par le colonel Georges Groussard, chef des réseaux de renseignements militaires Gilbert, considérait Jean Moulin comme cryptocommuniste, puisqu’il avait été entouré, depuis le Front populaire et ses fonctions auprès de Pierre Cot, par des agents des services secrets soviétiques. Toutefois, Londres a disculpé Jean Moulin dès début 1943, de Gaulle estimant que seul cet homme de confiance très à gauche pouvait l'aider à circonvenir le PCF. Pourtant, Jacques Gelin envisage l’hypothèse qu’un complot politique a été ourdi en vue d’éliminer un Jean Moulin censé permettre aux communistes de prendre les rênes de la Résistance unifiée juste avant le débarquement allié que les résistants attendaient pour l’été 1943 à la suite de l’opération d’intoxication. En effet, si Pierre de Bénouville savait que René Hardy avait été parfaitement identifié par Klaus Barbie, en l’envoyant, en toute connaissance de cause, à la réunion de Caluire, il réglait ainsi le problème du conflit entre Jean Moulin et le mouvement Combat et entravait la prise de pouvoir redoutée des communistes, peut-être en accord avec Henri Frenay et le colonel Georges Groussard. Plus, comme Pierre de Bénouville était en relation étroite avec Allen Dulles des services secrets américains, Jacques Gelin suppose que celui-là pourrait avoir agi avec l’assentiment de celui-ci. Néanmoins, en définitive, Jacques Gelin n'apporte aucune preuve d’un tel complot, auquel, dans un message personnel, il me fait savoir qu’il croit fermement, tout en écartant la responsabilité du seul Henri Frenay.
En conclusion, voici un livre à lire absolument pour son enquête poussée, étayée de nombreux témoignages pertinents et, par là, éclairante, même si elle ne prouve pas l'existence d'un complot contre Jean Moulin.
De son côté, Jean-Pierre Azéma, historien patenté et réputé, spécialiste de la période, parle d’un traître (Multon), d’un coupable (Hardy) et d’un responsable (Bénouville).
Preuves de la culpabilité de René Hardy dans l’arrestation de Caluire :
I. Deux témoignages :
1) Celui de l'agent double Edmée Delétraz, au service de la Résistance, qui a affirmé avoir vu et entendu René Hardy donner à la « Gestapo » la date et l'heure de la réunion, et avoir été chargée de le filer jusqu'à son lieu que René Hardy ignorait encore ;
2) Celui de Klaus Barbie, chef de la section IV (« Gestapo ») du KdS (antenne régionale de la police de sécurité allemande) de Lyon et dirigeant sur place l'arrestation des participants à la réunion, lequel, de 1948 à 1990, a toujours déclaré que c'était René Hardy qui avait livré cette dernière.
II. Deux documents :
1) Le rapport Flora du KdS de Marseille, établi le 19 juillet 1943, qui mentionne que « Didot » (pseudo de René Hardy), en qualité d'agent double, a permis l'arrestation de Jean Moulin et de chefs des MUR ;
2) Le rapport Kaltenbrünner, signé par le chef du RSHA (Office central de la sécurité du Reich) le 29 juin 1943, qui précise que le KdS de Lyon a réussi, grâce à « un jeu d'agents » réalisé avec René Hardy, à mettre la main sur une réunion de dirigeants des MUR : Grâce à un jeu d’agents auquel Hardy s’est prêté, le commando d’intervention de la Sipo-SD de Lyon […] a réussi à surprendre une réunion de dirigeants des Mouvements unis de la Résistance.
Pour ma part, j'ai longtemps cru à l'innocence de René Hardy, mais, à la suite d'une très longue discussion avec deux historiens sur un forum en ligne, j'ai été convaincu de sa culpabilité. En effet, en bref, si beaucoup d'imprudences ont été commises par d'autres résistants surmenés, car traqués par les polices allemandes et vichystes, si des participants à la réunion de Caluire ont fait l'objet de filatures au cours de leur activité clandestine, si René Hardy n'était, au départ, pas d'accord pour se rendre chez le docteur Dugoujon, cela n'empêche pas qu'il ait ensuite décidé de renseigner le lieutenant SS Klaus Barbie, lequel n'avait aucune raison de mentir à ses chefs dans un rapport qui n'était pas destiné aux Français. De son côté, Edmée Delétraz, agent infiltré de la Résistance au sein de la « Gestapo », chargée de suivre René Hardy, a vraiment donné l’alerte...