En cours de chargement...
Les riches ont largué les amarres : ils ont fait sécession du reste de la société. Leurs gains sont
désormais sans commune mesure avec ceux de leurs contemporains et ils échappent toujours
davantage aux filets de la solidarité. Cette situation n’est pas seulement moralement discutable et
politiquement dangereuse. Elle est aussi économiquement absurde : aucune des théories
échafaudées pour la justifier ne résiste à l’examen.
Mais les raisons qui nous y ont conduits ne
peuvent être cantonnées à la cupidité des individus, ni même aux décisions de telle ou telle
majorité politique. Elles plongent leurs racines beaucoup plus profondément dans un compromis
social et idéologique auquel nos sociétés ont collectivement consenti. Ont ainsi été réunies les
conditions historiques pour que des élites désamarrées ressuscitent les clivages d’une société de
rentiers et d’héritiers comparable à celle de la fin du XIXe siècle.
C’est ce paradoxe que ce livre
tente de percer : comment des sociétés envahies par un individualisme vidé de toute consistance
morale ont organisé et finalement justifié la sécession de ceux qu’elles regardent à la fois comme
l’accomplissement ultime de leur idéal et comme un symbole d’injustice majeur.