Paru en 1987, Misery a été adapté au cinéma en 1990. Je n’avais pourtant encore jamais lu ce roman devenu un classique du genre. Choisi par le Club de lecture pour illustrer le thème d’Halloween, il fut mon livre de chevet cette semaine. Brrr.
Sans doute a-t-on écrit plus sanguinolent, plus cruel, plus traumatisant depuis mais ce roman mêle particulièrement bien les genres et fait mouche. King reste d’ailleurs une référence pour de nombreux auteurs de thrillers.
L’intérêt de Misery réside dans le traitement du sujet. Dans ce huis-clos implacable mettant en scène un
écrivain et sa plus grande fan, maniaco-dépressive, King joue à loisir des situations tendues, sur le fil, laissant craindre le pire à tout instant. Il joue avec nos nerfs et le fait bien – notamment lors de la première « évasion » de Sheldon hors de sa chambre. La description de tout ce qu’il met en œuvre, la peur, la douleur et la crainte de voir surgir Annie Wilkes sont méticuleusement dépeintes et parviennent à nous angoisser également.
Tant l’écrivain que son geôlier ont une personnalité complexe à la psychologie problématique. Il est vraisemblable que King ait donné à Sheldon des caractéristiques et réactions puisées dans sa propre vie. Les passages de dépendances au Novril sont d’ailleurs tellement bien décrits qu’on peut supposer qu’il les a lui-même vécus. De même les états d’âme de Sheldon et ses interrogations sur son métier d’écrivain semblent exprimer les angoisses et les préoccupations de Stephen King. Soumis à la critique du public et des « professionnels », vampirisé par les admirateurs trop fervents, harcelé même, l’écrivain doit faire face à une pression insoupçonnée. Poussée ici à son paroxysme, elle en devient terrifiante.
La mise en abîme du roman apporte également un effet de réalisme très plausible, nous mettant face à une admiratrice qui développe un transfert exacerbé allant jusqu’à influencer l’écriture même de son idole. Annie Wilkes est une psychopathe, maniaco-dépressive. Cela entraine une humeur instable, explosive, et des comportements excessifs qui peuvent à tout instant la faire basculer dans la folie. Amener Sheldon à réagir en fonction de ces pulsions, afin de les déjouer et de la manipuler, rend le scénario machiavélique à souhait et le suspense haletant.
J’ai apprécié ce récit, sa double lecture et le mélange des genres ainsi que le climat de tension qui s’installe crescendo. Il me reste maintenant à découvrir le film qui en a été tiré.
Misery
Une sortie de route dans un ravin enneigé; un écrivain adulé se retrouve handicapé dans le lit de sa plus grande lectrice. Au milieu de nulle part, Stephen King nous entraîne dans les profondeurs ténébreuses de la folie, nous enfermant dans la cellule de l’aliénation mentale et de ses addictions.
Au delà d’une épouvantable séquestration, l’écrivain nous livre sa réflexion aboutie sur son statut d’auteur jusqu’au dénouement d’une cruauté sans concession. Il compose là une passionnante mise en abîme littéraire, métaphorique, où la question se pose: vivre pour écrire ou écrire pour survivre ?
Avant l’adaptation cinématographique tétanisante de Rob Reiner, Stephen King écrit là un récit impérissable, captivant et donnant l’envie irrémédiable de se plonger dans ses mémoires d’écrivain phénoménal, Ecriture et les deux volets composant son Anatomie de L’horreur.