Entre ses vingt-trois ans en 1947 et le moment où il écrit ce livre en 1989, l’auteur a passé en tout vingt-cinq années dans la cabane qu’il s’est construit dans le Grand Nord, en Alaska, à l’écart du monde. Il raconte son existence en ces lieux de solitude souvent glacée, au contact d’une nature aux mille beautés et dangers : un mode de vie libre, mais rude et aventureux, en quasi autarcie, à trapper, pêcher et subsister comme l’ont fait avant lui des générations de pionniers.
C’est avec une simplicité franche et authentique que l’homme se décrit dans cet environnement
qu’il a choisi, loin de l’agitation du monde, en communion avec une nature dont il tire l’essentiel de sa subsistance, au rythme de tâches éprouvantes et physiques. Le danger n’est jamais loin et un travail incessant s’avère le prix de ce mode de vie libre et indépendant. Mais c’est une paix de l’esprit et un sentiment de plénitude, la certitude d’une harmonie avec un univers inchangé depuis des millénaires, qui transparaissent au fil des pages, emplies d’actions quotidiennes calmement accomplies, de joies simples, de la pure sensation de vivre. Ici, pas d’états d’âme ni de révélations intimes. Mais la satisfaction d’un bon feu et de l’estomac plein, l’observation et l’adaptation au milieu, le respect de la faune et d’un cadre dont dépend la survie. Une fugace impression de mélancolie traverse le récit de part en part, alors que l’auteur semble prendre conscience du chemin parcouru – il a soixante-cinq ans -, et partage à demi-mot sa sensation d’être une sorte de « dernier des Mohicans », accroché à une nature désormais quasi vidée de sa vie animale.
Bien sûr, la nature déborde de ces pages, puisqu’elle emplit et soumet toute l’existence du narrateur. Le dépaysement qui nous est offert se teinte d’aventure au fur et à mesure que le lecteur marche dans les pas de John Haines et de ses chiens, pose et relève avec lui pièges et collets, aménage des cabanes-refuges qui lui permettront d’élargir sans trop de risques son périmètre d’exploration, protège ses réserves pour l’hiver des loups et des ours, guette l’avancée du gel puis la débâcle de la rivière… Nombreuses sont les anecdotes qu’il distille avec le talent consommé d’un conteur, nous tenant suspendus à ses mots comme si nous l’écoutions au coin d’un feu, à la veillée, lorsque le vent froid siffle au dehors…
Dépaysant et authentique, ce récit sans artifice est passionnant de bout en bout. Il nous fait entrevoir un mode de vie aux antipodes du nôtre, sans aucun doute en voie de disparition, et qui ne peut que nous interroger sur ce que nous avons gagné et perdu à l’âge du confort moderne et virtuel.
Rêve de trappeur!
Partis en 1947 sur les traces des premiers trappeurs du grand Nord Ouest de l'Alaska, John Haines nous raconte avec beaucoup de simplicité et de poésie les vingt cinq années qu'il aura passé dans une cabane isolée en plein coeur de la forêt. On y découvre, dans un silence feutré par la neige et figé par le froid le récit de ses aventures, ses fragments de vie, ses péripéties, et une sublime description de ces grands espaces sauvages. Il nous raconte une existence solitaire ou presque, une vie en terres froides, dans une nature implacable, là où les êtres vivants côtoient aussi bien la mort que la vie. Entre remontée des lignes de trappes, face à face terrible avec l'ours, rencontre avec le loup, beauté de la nature, Haines nous offre tout ce que nous pouvons attendre d'un tel récit: anecdotes de vieux trappeurs aguerris, construction de cabane, ragout réchauffé au feu de bois, recette du barbecue de porc épic... Tel un livre ouvert, la neige offre ses traces à déchiffrer pour celui qui sait lire la nature. Ces traces Haines nous invite à les lire et c'est un vrai régal, surtout si on est bien au chaud derrière la fenêtre à regarder la neige tomber... une lecture d'hiver qui nous fait frissonner, ça nous donne des envies de grand Nord, de cabanes en bois et de feu de bois.
Cette toute première publication de Gallmeister, véritable récit d'aventure sauvage, renoue avec les grands écrivains de nature writting comme London, Thoreau et les autres. Le petit plus pour cette réédition, les magnifiques illustrations de Ray Bonnell qui est parti lui aussi dans le Grand Nord sur les trace de l'auteur...