Huit nouvelles sur le thème de l'amour et du bonheur. Huit personnages féminins très différents. Huit lieux servant de cadre à des actions variées. Dans Odette Toulemonde et autres histoires, Eric-Emmanuel Schmitt nous présente des scènes de la vie quotidienne peuplées de personnages attachants et hauts en couleur. Chaque petite histoire possède ses spécificités, mais toutes sont touchantes et surprenantes.
"Wanda Winnipeg" nous montre qu'il suffit d'un geste pour changer la vie d'une personne, et que le passé est toujours important, même si l'on tente de l'oublier à tout prix.
C'est probablement la nouvelle qui m'a le plus plu. Je l'ai trouvée extrêmement touchante et bien construite – même si le tout joue un peu sur les stéréotypes – et la fin inattendue et très belle.
"C'est un beau jour de pluie" s'occupe d'un thème bien plus sérieux: la mort. La manière dont elle est présentée est toutefois divertissante, basée sur deux personnages diamétralement opposés... qui ont peut-être plus à partager qu'ils ne l'imaginent. Les dernières lignes, un peu surprenantes, nous ramènent au début et amènent le lecteur à revivre cette histoire encore et encore.
Dans "l'intruse", nous suivons Odile, une femme persécutée par une intruse qui s'introduit sans cesse dans son appartement, sans but apparent. Le style de l'auteur nous emmène au plus profond des pensées d'Odile, ressentant sa confusion et sa peur qui grandissent au fil des pages. La fin m'a toutefois déçue, car j'avais pu deviner le fin mot de l'histoire avant de le lire.
"Le faux" nous présente Aimée, une femme désillusionnée après sa séparation, et une jeune étudiante amenée à vivre avec elle, Kumiko. Le point fort de cette histoire est sans doute le double point de vue présent du début à la fin. Cela montre bien que chacun peut interpréter les faits à sa manière, et la fin, bien qu'un peu cliché, m'a paru être une jolie leçon de morale.
"Tout pour être heureuse" m'a perturbée, tant par son début que par sa fin. Le titre en dit déjà long sur le contenu et la typologie de l'héroïne, mais il laisse également sous-entendre que ce n'est, en quelque sorte, qu'une illusion – sinon, si elle était réellement heureuse, il n'y aurait pas d'histoire, non? De manière classique, le lecteur apprend qu'il y a un secret derrière cette femme en apparence si parfaite. La fin vient toutefois tout chambouler, nous amenant à nous questionner sur l'importance du moment présent.
"La princesse aux pieds nus" est une autre des nouvelles qui m'ont le plus séduite. Très courte, elle met en scène un petit acteur qui tente de retrouver la mystérieuse princesse avec qui il a passé une nuit lors de ses premiers succès. Elle se termine par un revirement de situation très inattendu qui montre bien que chacun perçoit les autres à sa manière.
"Odette Toulemonde", qui a donné le titre au roman, ne m'a pas transportée autant que je l'espérais. Le début, l'admiration d'Odette pour un écrivain et leur rencontre, m'a beaucoup plu, mais la suite manquait, à mes yeux, de réalisme. Tout semblait trop parfait, une histoire à l'eau de rose qui se résout de manière aussi simple. Néanmoins, il peut être agréable de rêver de temps à autres.
"Le plus beau livre du monde" change complètement de décor et nous emmène dans un goulag. Les femmes qui y ont été envoyées tentent de fabriquer un livre à transmettre à leur famille, mais comment trouver les mots justes à apposer sur un espace si réduit? C'était sans compter sur l'idée de génie de l'une d'entre elles.
Toutes ces histoires nous invitent à partager quelques pages avec des personnages provenant de tous milieux. Si certains thèmes sont récurrents, tels que l'amour, le bonheur et l'art, chaque récit présente un certain nombre de particularités quant au contenu et à la technique narrative, ce qui a l'avantage de maintenir notre attention éveillée au fil de la lecture. Plus que par le contenu, c'est par la construction des histoires que j'ai été impressionnée: les revirements de situation, les petits récits d'évènements ordinaires qui pourraient arriver à n'importe qui d'entre nous, les surprises qui nous guettent au fil des pages. Même si le tout est, dans l'ensemble, assez romantique (probablement trop pour certains lecteurs), c'est un livre très agréable qui se lit facilement. À mon avis, c'est une lecture de plage parfaite, tant pour le thème que pour la division en histoires courtes, qui nous permet d'interrompre notre lecture plus facilement.
Pour Dette...
Cela fait un moment que j'ai lu ce recueil de nouvelles, aussi il m'est difficile de me rappeler en détails de chacune d'entre elles mais ayant vu le film Odette Toulemonde avant de lire le recueil je voulais surtout vérifier l'adaptation avait été bien réalisée.
C'est le cas! Dans le film, Schmitt ajoute quelques détails (musique Joséphine Baker) mais c'est tout à fait l'ambiance qu'on imagine dans le livre. Certes ca se termine par un "happy ending" attendu mais en même temps pourquoi pas elle? Il me semble que justement Balthazar Balsan est critiqué pour son écriture trop "à l'eau de rose" et qui émeut donc en priorité des femmes à la vie on ne peut plus ordinaire qui rêvent de merveilleux. L'histoire d'Odette est donc un pied de nez à une société désabusée où le réalisme voire le cynisme est considéré comme plus "intellectuel" et donc admissible dans le milieu littéraire.
Et puis Schmitt étant un adepte de la philosophie bouddhiste, ne croit-il pas, du coup, au bon karma d'Odette?