Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, on peut considérer que le rapport à la représentation s'est profondément modifié. De ces profondes modifications, le Nouveau Roman puis la Nouvelle Vague présenteront, à la fin des années cinquante, les manifestations les plus spectaculaires : pour des raisons qui sont d'abord historiques, en littérature comme au cinéma, la bonne conscience et la toute puissance du récit ont été fortement ébranlées, de sorte que, si l'on nous raconte encore des histoires, les façons et les enjeux ont peut-être changé radicalement. Dans la perspective d'une réflexion sur le récit, la Nouvelle Vague représente d'abord le rassemblement plus ou moins formalisé des nouveaux cinéastes (Claude Chabrol, Jean-Luc Godard, Jacques Rivette, Eric Rohmer, François Truffaut) qui ont travaillé aux Cahiers du Cinéma ; mais d'autres noms, qui évoquent pour nous d'autres territoires et d'autres choix formels, participent nécessairement aux interrogations suscitées par ce groupe : Chantal Akerman, John Cassavetes, Marguerite Duras, Jean Eustache, Pier Paolo Pasolini, Alains Resnais, Alain Robbe-Grillet, Jean Rouch, d'autres encore ont préparé ou prolongé le mouvement de cette vague dont l'insistance aura finalement permis de redessiner pour tout le monde les rivages de la fiction. Pour prendre la mesure des transformations du récit à partir des années cinquante, il nous faudra rompre enfin avec l'isolationnisme des pratiques cinéphiliques afin de faire apparaître les relations qui se tissent entre le cinéma et les autres pratiques, parce que la littérature, la télévision, la musique, la vidéo, interviennent activement dans la mobilisation de la représentation au cinéma.