Premier roman publié en 1998 sous le pseudonyme de Mathieu Belezi, Le petit roi accède enfin au devant de la scène grâce au succès l’an dernier d’Attaquer la terre et le soleil et à la décision du Tripode de commencer à rééditer les précédents ouvrages de l’auteur. Dans un récit d’allure faussement autobiographique - « Je fuis comme la peste l’autofiction. A trop parler de soi, on en oublie d’imaginer. Et que devient la littérature si le souffle de l’imagination ne bouscule pas le lecteur ? » déclare-t-il dans une interview pour le journal Libération -, l’écrivain
met en scène Mathieu, un garçon de douze ans dévasté par les déchirures parentales qui ont mené sa mère à le confier à la garde de son grand-père. Le vieil homme qui, en ce milieu des années soixante, subsiste en solitaire, dans une vie simple et rude au plus près des saisons, sur sa petite ferme d’altitude en Provence, a beau déployer en silence toute son impuissante tendresse, le pré-adolescent écorché vif, qui se sent abandonné et pense que « rien n’est là pour qu’il vive heureux », n’est plus que rancoeur et s’en prend violemment à lui-même autant qu’à la terre entière, dans des accès de cruauté où s’expriment sa révolte et sa colère.
L’écriture âpre et sans concession ne commente ni n’enjolive. Ses traits ciselés comme à vif dans la matière brute des réminiscences se contentent de raconter simplement, la sobriété de ton amplifiant encore la violence d’une narration coup de poing qui vous laisse assommé et interdit de tant de fulgurance et de souffrance rentrée. Car le jeune Mathieu, abandonné par ses parents après les avoir vus se déchirer dans un paroxysme de haine et de fureur, se punit autant qu’il se venge de leur manque d’amour en faisant mal à son tour. Réfléchissant en miroir la violence vécue, la victime se fait alors bourreau de plus faibles, animaux ou garçonnet fragile, en un crescendo de scènes brutales et cruelles. Lui, qui, au fond, se sent « coupable de tout », se défend en adoptant la stratégie bravache du même pas mal, et, tâchant de se convaincre que « n’est coupable que celui qui veut l’être », « [s]e venge de la désinvolture du monde à [s]on égard » en se faisant tortionnaire en retour. Dans ce chaos affectif, seul surnage le lumineux miracle de la tendresse taiseuse du grand-père, un début possible de pansement qui laissera pourtant plus que jamais la plaie à vif lorsque, comme si tout attachement ne servait qu’à vous piéger pour mieux vous meurtrir ensuite, le cours inéluctable de la vie l’arrachera sans prévenir.
Troussé sans ménagement dans une langue aussi cinglante que poétique, mêlant tendresse et sadisme en une combinaison détonante et dérangeante, ce court texte magnifiquement écrit et travaillé a l’éclat sombre de son personnage, un petit roi lancé à corps et coeur perdus dans un apprentissage sauvage et solitaire, aux couleurs de la rage et de la frustration. Un grand coup de chapeau à la petite maison d’édition du Tripode pour avoir su révéler cette œuvre injustement méconnue.
Apprentissage sauvage et solitaire, aux couleurs de la rage et de la frustration
Premier roman publié en 1998 sous le pseudonyme de Mathieu Belezi, Le petit roi accède enfin au devant de la scène grâce au succès l’an dernier d’Attaquer la terre et le soleil et à la décision du Tripode de commencer à rééditer les précédents ouvrages de l’auteur. Dans un récit d’allure faussement autobiographique - « Je fuis comme la peste l’autofiction. A trop parler de soi, on en oublie d’imaginer. Et que devient la littérature si le souffle de l’imagination ne bouscule pas le lecteur ? » déclare-t-il dans une interview pour le journal Libération -, l’écrivain met en scène Mathieu, un garçon de douze ans dévasté par les déchirures parentales qui ont mené sa mère à le confier à la garde de son grand-père. Le vieil homme qui, en ce milieu des années soixante, subsiste en solitaire, dans une vie simple et rude au plus près des saisons, sur sa petite ferme d’altitude en Provence, a beau déployer en silence toute son impuissante tendresse, le pré-adolescent écorché vif, qui se sent abandonné et pense que « rien n’est là pour qu’il vive heureux », n’est plus que rancoeur et s’en prend violemment à lui-même autant qu’à la terre entière, dans des accès de cruauté où s’expriment sa révolte et sa colère.
L’écriture âpre et sans concession ne commente ni n’enjolive. Ses traits ciselés comme à vif dans la matière brute des réminiscences se contentent de raconter simplement, la sobriété de ton amplifiant encore la violence d’une narration coup de poing qui vous laisse assommé et interdit de tant de fulgurance et de souffrance rentrée. Car le jeune Mathieu, abandonné par ses parents après les avoir vus se déchirer dans un paroxysme de haine et de fureur, se punit autant qu’il se venge de leur manque d’amour en faisant mal à son tour. Réfléchissant en miroir la violence vécue, la victime se fait alors bourreau de plus faibles, animaux ou garçonnet fragile, en un crescendo de scènes brutales et cruelles. Lui, qui, au fond, se sent « coupable de tout », se défend en adoptant la stratégie bravache du même pas mal, et, tâchant de se convaincre que « n’est coupable que celui qui veut l’être », « [s]e venge de la désinvolture du monde à [s]on égard » en se faisant tortionnaire en retour. Dans ce chaos affectif, seul surnage le lumineux miracle de la tendresse taiseuse du grand-père, un début possible de pansement qui laissera pourtant plus que jamais la plaie à vif lorsque, comme si tout attachement ne servait qu’à vous piéger pour mieux vous meurtrir ensuite, le cours inéluctable de la vie l’arrachera sans prévenir.
Troussé sans ménagement dans une langue aussi cinglante que poétique, mêlant tendresse et sadisme en une combinaison détonante et dérangeante, ce court texte magnifiquement écrit et travaillé a l’éclat sombre de son personnage, un petit roi lancé à corps et coeur perdus dans un apprentissage sauvage et solitaire, aux couleurs de la rage et de la frustration. Un grand coup de chapeau à la petite maison d’édition du Tripode pour avoir su révéler cette œuvre injustement méconnue.