Toulouse, la côte basque et un peu le Canada : c’est en terrain familier et pourtant réinventé, que l’on s’empresse de suivre Jean-Paul Dubois dans sa dernière, et peut-être sa plus noire, déclinaison des déboires tragi-comiques d’un fils désespéré de parvenir jamais à « tuer le père ».
Il lui aura fallu en réalité attendre la mort de ce père tant détesté, incarnation du mal absolu, pour que Paul Sorensen, alors au tournant de la cinquantaine, parvienne enfin à se rebeller, en lui tirant deux balles dans la tête à la morgue et en le reléguant dans un « carré des indigents ». Mais, quant à le gommer de sa mémoire, c’est une autre histoire. Contraint par le tribunal à une année de soins, c’est-à-dire à des consultations mensuelles chez un psychiatre, le voilà forcé de revenir en détails sur ce qui, décidément, n’aura jamais de fin : le cauchemar de sa relation avec son père.
En cette année 2031 où il a fallu installer de petits trottoirs de bois surélevés partout dans Toulouse, « un peu comme à Venise à l’époque des hautes eaux », tant le climat déréglé est devenu pluvieux, c’est à ne plus savoir si c’est le déluge qui vient faire écho à son état de déréliction intérieure, ou l’inverse. Pluie et larmes s’entremêlent dans la tête de Paul sans jamais rien laver de sa peine, lui rappelant ironiquement ces tristes vers de Coleridge : « Water, water everywhere, nor any drop to drink ». Né d’une double mort, celle de sa mère en couches en même temps que celle de son frère jumeau, et aujourd’hui « fournisseur officiel » de la mort en tant que fabricant de housses pour défunts, ce survivant qui vit avec la culpabilité d’une sorte de pacte avec la faucheuse n’a jamais été aimé. A mesure des séances avec le psychiatre se dévide le fil de sa terrible histoire, marquée par le destin, mais plus encore, par les avanies d’un père toxique, immoral et sadique, qui n’aura eu de cesse de le détruire, lui et son entourage. Loin de l’optimisme du praticien, l’on se prend, aux côtés de Paul, à douter comme lui de le voir jamais échapper aux griffes du désespoir, lorsque, minuscule trouée dans cette vallée de larmes, surgit un inattendu brin d’espérance…
Passent les années et les livres de Jean-Paul Dubois, l’auteur réussit encore et toujours à nous surprendre et à nous éblouir de son talent à réinventer à l’infini la même histoire, d’habitude douce-amère, cette fois franchement cruelle, d’un antihéros toute sa vie empêché par le poids mortifère de sa filiation paternelle. Est-ce de se projeter dans un futur proche, météorologiquement aussi déliquescent que la psyché de son personnage réduit à la seule conversation d’une intelligence artificielle ? L’humour noir semble confiner ici à l‘ironie du désespoir, même si la possibilité d’une échappatoire se laisse in extremis entrevoir.
Un nouveau coup de maître que cette déclinaison du fameux personnage chaque fois prénommé Paul qui, comme si son état intérieur déteignait sur l’extérieur et vice versa, se retrouve ici fort poétiquement le malheureux jouet d’un destin et d’un monde partant à l’unisson à vau l’eau. Coup de coeur.
Toulouse, la côte basque et un peu le Canada : c’est en terrain familier et pourtant réinventé, que l’on s’empresse de suivre Jean-Paul Dubois dans sa dernière, et peut-être sa plus noire, déclinaison des déboires tragi-comiques d’un fils désespéré de parvenir jamais à « tuer le père ».
Il lui aura fallu en réalité attendre la mort de ce père tant détesté, incarnation du mal absolu, pour que Paul Sorensen, alors au tournant de la cinquantaine, parvienne enfin à se rebeller, en lui tirant deux balles dans la tête à la morgue et en le reléguant dans un « carré des indigents ». Mais, quant à le gommer de sa mémoire, c’est une autre histoire. Contraint par le tribunal à une année de soins, c’est-à-dire à des consultations mensuelles chez un psychiatre, le voilà forcé de revenir en détails sur ce qui, décidément, n’aura jamais de fin : le cauchemar de sa relation avec son père.
En cette année 2031 où il a fallu installer de petits trottoirs de bois surélevés partout dans Toulouse, « un peu comme à Venise à l’époque des hautes eaux », tant le climat déréglé est devenu pluvieux, c’est à ne plus savoir si c’est le déluge qui vient faire écho à son état de déréliction intérieure, ou l’inverse. Pluie et larmes s’entremêlent dans la tête de Paul sans jamais rien laver de sa peine, lui rappelant ironiquement ces tristes vers de Coleridge : « Water, water everywhere, nor any drop to drink ». Né d’une double mort, celle de sa mère en couches en même temps que celle de son frère jumeau, et aujourd’hui « fournisseur officiel » de la mort en tant que fabricant de housses pour défunts, ce survivant qui vit avec la culpabilité d’une sorte de pacte avec la faucheuse n’a jamais été aimé. A mesure des séances avec le psychiatre se dévide le fil de sa terrible histoire, marquée par le destin, mais plus encore, par les avanies d’un père toxique, immoral et sadique, qui n’aura eu de cesse de le détruire, lui et son entourage. Loin de l’optimisme du praticien, l’on se prend, aux côtés de Paul, à douter comme lui de le voir jamais échapper aux griffes du désespoir, lorsque, minuscule trouée dans cette vallée de larmes, surgit un inattendu brin d’espérance…
Passent les années et les livres de Jean-Paul Dubois, l’auteur réussit encore et toujours à nous surprendre et à nous éblouir de son talent à réinventer à l’infini la même histoire, d’habitude douce-amère, cette fois franchement cruelle, d’un antihéros toute sa vie empêché par le poids mortifère de sa filiation paternelle. Est-ce de se projeter dans un futur proche, météorologiquement aussi déliquescent que la psyché de son personnage réduit à la seule conversation d’une intelligence artificielle ? L’humour noir semble confiner ici à l‘ironie du désespoir, même si la possibilité d’une échappatoire se laisse in extremis entrevoir.
Un nouveau coup de maître que cette déclinaison du fameux personnage chaque fois prénommé Paul qui, comme si son état intérieur déteignait sur l’extérieur et vice versa, se retrouve ici fort poétiquement le malheureux jouet d’un destin et d’un monde partant à l’unisson à vau l’eau. Coup de coeur.