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L'Etoffe du diable La rayure et les étoffes rayées sont longtemps restées en Occident des marques d'exclusion ou d'infamie. En furent notamment vêtus tous ceux qui se situaient aux marges de la société chrétienne ou bien en dehors : jongleurs, musiciens, bouffons, bourreaux, prostituées, condamnés, hérétiques, juifs, musulmans ainsi que, dans les images, le Diable et toutes ses créatures. Sans faire disparaître ces rayures très négatives, l'époque romantique voit apparaître une nouvelle forme de rayures, positives et liées aux idées nouvelles de liberté, de jeunesse et de progrès.
Dans les sociétés contemporaines, ces deux types de rayures cohabitent : celles des vêtements de prisonniers, de la pègre, des lieux dangereux et celles du jeu, du sport, de l'hygiène et de la plage. Michel Pastoureau Historien, spécialiste des couleurs, des images et des symboles, il est directeur d'études à l'Ecole pratique des hautes études. Il a notamment publié Bleu, Une histoire symbolique du Moyen Age occidental, Le Petit Livre des couleurs (avec Dominique Simonnet), L'Ours et Noir.
L'etoffe du diable
Les rayures ont connu une symbolique très différente au cours des siècles. Comme le démontre Michel Pastoureau à travers cet ouvrage, elles ne sont qu’une construction culturelle, dont la perception a donc fortement évoluée durant l’Histoire. A l’image du titre de ce dernier, les rayures ont, durant toute la période médiévale, été perçues comme « l’étoffe du diable ». Elles ont donc une signification péjorative et sont marques d’exclusion. Elles sont portées par les félons, les cruels, les bouffons ou les infirmes. Les rayures représentent le trouble, le désordre. Une évolution a lieu dans la perception de ces tissus rayés au cours de l’époque moderne. Il s’instaure progressivement un nouvel ordre de la rayure. Elle prend des formes et des significations nouvelles. Ainsi, toutes les rayures ne sont plus péjoratives. Le véritable changement a lieu au XVIIIe siècle, avec les révolutions américaines et françaises, où les rayures peuvent être perçues comme un attachement à l’idée de liberté. Au XIXème siècle, la rayure sera davantage rattachée à l’idée d’hygiène, effectuant une transition avec le blanc qui, jusqu’alors, symbolisait cette notion. Progressivement, les rayures prennent une dimension positive représentant le loisir, le plaisir et la jeunesse. Toutefois, elles n’ont pas totalement perdu leur symbolique négative. On peut prendre pour exemple leur signalisation dans le code de la Route (barrière de passage à niveau, de douanes) mais également la perception du prisonnier dans notre imaginaire (notamment avec les Dalton).
C’est une histoire passionnante que nous livre ici Michel Pastoureau qui, par son talent d’écriture, rend le sujet très accessible.