Robert Harris a désormais un tel crédit auprès de son lectorat français qu’il n’est plus utile de traduire les titres de ses romans. C’est du moins le cas pour “Dictator” dont l’action n’est pas vraiment contemporaine puisqu'elle se déroule à Rome en 58 avant Jésus Christ. Harris n’est d’ailleurs pas à son coup d’essai puisqu'il a déjà publié deux romans, “Impérium” et “Conspirata” autour de la vie de Cicéron. “Dictator” referme la trilogie sur un thriller politique dont Ciceron sera évidemment l’un des acteurs.
Harris a choisi de raconter
les dernières années de la carrière de Ciceron à travers le regard de son secrétaire Tiron, témoin privilégié des événements qui ne vont pas tarder à se précipiter dans une Rome en effervescence permanente.
Le volume précédent s’était conclu sur l’exil de Cicéron dont César n’avait pas apprécié certaines prises de position politiques. Tiron décrit une situation désespérée. “ Il ne suffisait pas aux dieux immortels que Ciceron se fît cracher dessus et vilipender par ses concitoyens; il ne leur suffisait pas qu’il fût chasser du foyer et de l’autel de sa famille et de ses ancêtres au coeur de la nuit; il ne leur suffisait pas non plus , alors même qu’il fuyait Rome à pied , qu’il pût se retourner et assister à l’incendie de sa maison. A tous ces tourments, ils jugèrent nécessaires d’ajouter un raffinement supplémentaire : qu’il fût forcé d’entendre l’armée de son ennemi lever le camp sur le Champ de Mars.”
Celui qui était considéré comme le plus grand orateur de son époque est désormais un homme brisé. Cependant, il reste encore assez manoeuvrier pour négocier avec César un retour en politique contre un soutien indéfectible à César. Il rejoint alors Rome et retrouve les cercles du pouvoir. Mais la réalité de la vie politique romaine peut parfois faire regretter les rigueurs de l’exil. Alliances, trahisons et manoeuvres permanentes se succèdent dans une atmosphère passionnelle pleine d’instabilité et de perfidie. Rome entre dans des temps terribles, la guerre civile gronde. Les événements échappent à tous les acteurs et Ciceron va devoir comme d’autres se barricader dans sa demeure du Palatin pour échapper à un sort funeste. Pompée puis César sont assassinés, pour Ciceron le ciel s’assombrit ainsi que pour la République romaine
Ce roman, très documenté, permet au lecteur de revivre l’une des périodes les plus troublée qu’a connu la cité romaine. Harris construit une dramaturgie autour d’un faisceau de personnages historiques d’une grande crédibilité. Impossible de ne pas se laisser entraîner dans cette incroyable reconstitution historique où l’on croise Antoine, Pompée, Octave et César au coeur d’une Rome en ébullition. Un excellent roman historique.
HUGUES DE SINGLY (CULTURE-CHRONIQUE.COM)
LES MEMOIRES DE TIRON ESCLAVE, SECRETAIRE ET HOMME DE CONFIANCE DE CICERON TOME III
Cicéron orateur paie très cher d'avoir exprimé publiquement ses convictions.
Cela le conduira de l'exil à la mort.
Il lui faudra louvoyer entre quatre "requins" avides de pouvoir, Pompée ( assassiné ), César ( assassiné ) Marc-Antoine son ennemi le plus acharné, Octavien ( le futur empereur Auguste ) en qui il voyait un défenseur de la République romaine en danger.
C'est aussi l'époque où sa vie privée est bouleversée ( mort de sa fille chérie Tullia, divorce d'avec Terentia, son épouse ), où il se retire ( très provisoirement ) de la vie politique pour écrire les Tusculanes.
Dans toutes ces épreuves Tiron, finalement affranchi, lui reste fidèle.
Tentant de fuir une ultime fois les sbires de Marc-Antoine, fatigué de vivre, il présente sa gorge au bourreau.
On ne peut s'empêcher de penser que Robert Harris a pensé beaucoup à notre époque en écrivant cette trilogie pleine de bruit et de fureur.