Mes Chers Vous,
Il règne toujours une ambiance particulière dans les trains de nuit... D'abord parce qu'il y a le voyage en lui-même, qu'elle qu'en soit la raison, prendre le train est toujours une aventure. Et puis, parce qu'il y a la nuit et l'intimité qu'elle crée. Dès qu'elle est présente, une certaine langueur s'installe, le rythme s'apaise, doucement bercé par le train... alors les voix se font plus douces, plus confidentielles, les gestes sont économisés... lentement, une forme de silence s'installe.
Il règne toujours une ambiance particulière dans les trains de nuit... parce
qu'ils laissent une part au hasard, parce qu'il faudra partager son espace avec un ou des inconnus, parce qu'il faudra bien laisser tomber ses défenses pour pouvoir dormir dans cet endroit exigu en compagnie de personnes rencontrées seulement quelques heures auparavant.
Dans le Paris-Briançon de Philippe Besson, vont s'installer des êtres qui ne se seraient probablement jamais rencontrés dans la vie de tous les jours : Alexis Belcourt retourne à Briançon clore une période de sa vie, Julia emmène ses enfants en vacances chez leurs grands-parents, Victor rentre dans sa famille après avoir passé quelques examens médicaux, Catherine et Jean-Louis s'offrent une petite escapade à la montagne, Serge rentre chez lui après une formation et puis il y a Manon et son groupe d'amis qui profitent des vacances scolaires pour envahir le chalet prêté par le parrain de celle-ci.
Chacun est monté dans ce train avec son masque, dissimulant sa vérité, ses espoirs, ses rêves, ses envies. Certains les révèleront, d'autres les écouterons... parce qu'à la faveur de la nuit, les confidences affleurent tout doucement.
Ce Paris-Briançon aurait pu se contenter de relater ces tranches de vie, rendre certains personnages attachants, d'autres détestables, peut-être même ennuyeux.
Mais il n'en est rien parce que le prologue annonce clairement que le voyage ne sera pas forcément tel qu'il est attendu :
"Pour le moment, les passagers montent à bord, joyeux, épuisés, préoccupés ou rien de tout cela.
Parmi eux, certains seront morts au lever du jour."
Et, avec cette toute petite phrase, Philippe Besson transforme ces histoires banales en un huis clos terrible. Le lecteur ne sait pas qui va mourir, ni pourquoi, ni quand, ni comment. Et cela est d'autant plus terrible qu'au fil des pages, une tendresse se crée pour chacun d'eux, pour leurs petites faiblesses, leurs espoirs, leurs attentes, leurs amours.
Ce suspense alors installé transforme complètement l'ambiance de ce roman, lui donnant une dimension de thriller, cueillant à la toute fin le lecteur qui aura peut-être ses personnages préférés, ceux qu'il aurait ne pas aimé voir mourir et ceux qu'il aurait, cruellement, accepté de sacrifier.
Un très joli roman sur les conséquences du hasard, qui, malheureusement, n'est pas toujours heureux !
N'hésitez pas à monter dans le Paris-Briançon de Philippe Besson, il vous fera traverser autant de jolis paysages que de belles émotions.
Mais attention, une fois entré dans cette histoire, il ne vous sera pas possible de vous arrêter avant d'en avoir tourné la dernière page...
A lire, en une seule fois, pour se laisser bercer par les mots toujours justes et fins de Philippe Besson, pour sa galerie de personnages dans laquelle il a mis tant de tendresse, pour le plaisir de se laisser porter par le hasard des rencontres mais surtout pour se laisser cueillir par les émotions
http://cecibondelire.canalblog.com/archives/2022/01/21/39314756.html
La vie est bien trop fragile et fugitive pour se la laisser voler !
Ils sont une dizaine d'inconnus, que les hasards de la vie ont réunis dans la même voiture du train de nuit Paris-Briançon. Le temps de traverser la France endormie, le huis clos crée quelques proximités, et les conversations prennent d'autant plus facilement un tour personnel qu'elles n'auront pas de lendemain. Se révèlent ainsi brièvement différentes trajectoires de vie, chacune marquée par les maux ordinaires de notre époque. Personne ne se doute alors que certaines d'entre elles vont bientôt s'interrompre tragiquement, avant même d'arriver à destination...
Hasard ou fatalité, il suffit de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment pour que le destin bascule. Alors quand se produit une catastrophe, l’on ne peut songer qu’avec un certain trouble à l’enchaînement de circonstances qui a mené les acteurs, parfois tout à fait incidemment, sur le théâtre de leur drame. L’auteur nous ayant prévenu d’entrée de jeu que la mort est montée à bord de ce train, c’est donc tout à la fois suspendu au développement du récit et étreint par anticipation d’un sentiment d’impuissance désolée, que l’on fait connaissance avec une poignée d’inconnus ordinaires, des gens comme vous et moi emportés sur le fleuve banalement si peu tranquille de leur existence. Entre préoccupations diverses, notamment familiales et professionnelles, mille violences, petites et grandes, viennent perturber le cours de ces vies, empoisonnant ce qu’il conviendrait pourtant d’en apprécier chaque minute, tant le temps nous est compté et tant tout cela, au final, ne tient qu’à un fil.
Parmi ces destins bientôt brisés, il en est un qui va encore plus que les autres provoquer notre émotion, en tout cas qui semble à ce point tourmenter Philippe Besson qu’il resurgit ça et là dans son oeuvre, comme dans son récit autobiographique Arrête avec tes mensonges. Au-delà de la catastrophe et des réflexions désabusées qu’elle suscite en passant chez l’auteur, sur l’indécence d’une époque où tout est spectacle et où rumeurs et accusations se propagent plus vite que la lumière, le vrai coeur du drame est ce qui révolte le plus l’écrivain : la peur du rejet et le refus de soi-même qui empêchent encore tant d’homosexuels à assumer leur identité, et qui les enferment dans une existence intolérablement douloureuse. Face à l’implacable brièveté et aux inéluctables cruautés de la vie, quel plus grand gâchis que de s’empêcher de la vivre en la sacrifiant aux apparences et aux conventions, de la subir en se contraignant à en rester à jamais à la marge ?
Avec la justesse et la sobriété qui lui sont coutumières, Philippe Besson réussit dès les premières phrases à suspendre le lecteur à son récit, l’embarquant, à l’occasion du dramatique télescopage de quelques vies ordinaires, dans un émouvant plaidoyer pour le droit à être soi-même : la vie est bien trop fragile et bien trop fugitive pour, en plus, se la laisser voler !