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« J'adore ce livre. C'est drôle, sensible, audacieux et tout sonne juste. Qu'elle est bienvenue cette voix qui s'élève parmi les grands ! Sasa Stanisic. Ou Sasha Stanishitch. Nous ferions mieux d'apprendre à prononcer son nom car il est là pour longtemps. »Colum McCannAleksandar grandit près de Visegrad, dans ce qui est encore la Yougoslavie, quand se produit un drame : la mort de son grand-père Slavko.
Celui dont les récits légendaires du communisme l'ont enchanté, et auquel il a fait le serment de transformer la réalité en histoires, l'enfant espère jusqu'au bout le réveiller. Son grand-père adoré n'a- t-il pas fait de lui un magicien ? Mais il faudra que les pouvoirs d'Aleksandar soient grands car la guerre est proche. Viendront le temps de l'exil et d'une intégration difficile dans l'Allemagne des années 1990, obsédée par le productivisme et le coût de la réunification. L'évocation inoubliable d'une guerre qui s'est jouée tout près de nos frontières, dans l'indifférence et l'incompréhension générales.
Le destin d'une famille aux personnages picaresques. Le regard d'un enfant, plus préoccupé des malheurs de ses proches, de l'issue d'un match de football, de ses premières amours, que de l'avenir de son pays mais dont le récit spontané souligne la violence avec laquelle la guerre fait irruption dans le quotidien. Puis Aleksandar grandit et dès que l'occasion lui est donnée d'écrire, il ne cessera d'évoquer son enfance et le souvenir de son pays perdu.
Le lecteur assiste alors à la naissance d'un prodigieux écrivain pour son plus grand plaisir.© Getty Images Découvrez toutes les traductions du livre sur www.talking-to-women.com
Né en Yougoslavie à la fin des années 70, Sasa Stanisic doit fuir Visegrad et la guerre civile, en 1992, avec sa famille : son père serbe et sa mère bosniaque. Exilé en Allemagne, c'est dans une nouvelle langue qu'il écrit Le Soldat et le gramophone, un premier roman aux accents autobiographiques.
Jeune garçon curieux, Aleksandar Krsmanovic -le narrateur- nous guide dans une étonnante épopée.
Sa voix vive et impertinente traverse ce roman kaléidoscopique et nous expose le quotidien d'une famille de Visegrad sous de multiples facettes. La Yougoslavie des temps de paix, les déchirements de la guerre civile puis l'exil prennent corps dans son récit.
A son grand-père paternel adoré, Aleksandar avait fait la promesse de ne jamais arrêter de raconter ; quelques heures avant sa mort, le vieil homme avait offert à l'enfant une baguette et un chapeau de magicien : "L'invention, c'est le don le plus précieux, l'imagination la plus grande des richesses, retiens bien ça, Aleksandar, avait dit grand-père d'un ton grave en me posant le chapeau sur la tête, retiens bien ça et imagine un monde plus beau."
Mais que faire quand survient la violence des hommes ?
Que voit un enfant d'une guerre où les soldats abattent les vieillards puis réparent les gramophones ?
Les années d'exil à Essen seront un apprentissage -violent- pour l'adolescent apatride venant d' "un pays qui n'existe plus à l'endroit où [il a ]vécu." Dans cette ville où l'on remercierait presque les mauvaises herbes de pousser entre les pavés, Aleksandar va s'approprier un nouvel espace linguistique :" Je collectionne les mots de la langue allemande. Faire une collection, ça fait oublier les réponses qui me pèsent et les idées noires qui me viennent quand je pense à Visegrad (?) "
Une des plus belles et fortes présences dans le roman est celle de la Drina. Nous lisons là un hommage à Ivo Andric * et découvrons un élément indissociable d'Aleksandar, fantasque et intrépide, comme l'a été ce cours d'eau qui baigne les rives de sa ville natale.
" Face au chaos du monde, une écriture s'affirme qui n'enferme en rien le livre dans un mausolée nostalgique d'une enfance perdue. Bien au contraire. Multipliant les voix de la narration, elle ouvre tout un champ des possibles. "
* Ivo Andric, Prix Nobel de littérature en 1961, auteur du roman Le Pont sur la Drina. Bien au contraire. Multipliant les voix de la narration, elle ouvre tout un champ des possibles.