La tournée américaine : Krafton, la ville ténébreuse

- Il y a 7 ans
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A krafton, tout le monde est imprévisible...

Voila le 3ème coup de cœur d'Ophélie Curado, après La tournée américaine : 1er épisode, livre de Jack Kerouac et Féroces de Robert Goolrick, elle nous emmène dans la plus ténébreuse des villes américaine : Krafton. Retrouvez toutes ses chroniques sur son blog Le Journal des Lettres.

Volt - Alan Heathcock

Résumé : "À Krafton, bourgade imaginaire de l'Amérique profonde aux allures bibliques, les âmes éclopées pullulent et les châtiments pleuvent : fils maquillant les crimes de leurs pères, fermier malchanceux mué en bête de foire, adolescents cinglés. Entre meurtres et chagrins, on rêve de fuite, et surtout de rédemption. Comme Helen, shérif adepte de la chevrotine et de la chasse au diable... Éblouissants de noirceur et d'humanité, ces huit récits à l'écriture puissante ont la beauté âpre des paysages désolés. "

D'emblée, il y a quelque chose de troublant. Quelque chose qui nous dérange. On ne sait plus comment s'installer pour lire, on ferme trop souvent les yeux pour essayer d'imaginer, puis nous n'avons plus envie d'imaginer, surtout pas ! Alan Heathcock embarque le lecteur dans un monde imaginaire et terrifiant, parce que justement, il pourrait exister. Et il existe sûrement. À l'instar des romans de Stephen King, la désolation règne en maîtresse absolue, ne laissant pas de place à la joie et au bonheur. L'auteur semble alors vouloir nous montrer tout ce qu'il ne faut pas voir, juste pour ne pas mourir idiots. Nous l'acceptons, et c'est trop tard...

Volt - Alan Heathcock

Outre l'atmosphère ténébreuse et acide qui règne dans ces huit nouvelles, c'est le fait de se dire que c'est possible et que c'est sûrement en train de se dérouler quelque part dans un village perdu ; qui nous trouble le plus. Si certains récits relèvent plus clairement de la démence que d'autres, nous y croyons, même si nous sommes morts de peur.

Car le pire dans le travail de Alan Heathcock, c'est que tout s'explique, que tout s'emboîte. Au fil de notre lecture, nous comprenons que nous avons déjà entendu parler de certains personnages. Comme Helen, la shérif qui fait régner la loi, à ses risques et périls. Elle est le fil conducteur de ces huit récits, et c'est elle qui atteste de la vraisemblance de ce que nous lisons. Le lecteur se plaît alors à suivre ses aventures, même s'il a toujours le cœur serré, en attente d'un danger qui guette.

Enfin, ce qu'il y a de plus alarmant dans ces récits, c'est le décorticage psychologique opéré par l'auteur. Son talent relève surtout de sa capacité à pénétrer les cerveaux humains et à comprendre comment des individus semblent être passés à côté de l'évolution. Comment des êtres humains sont encore capables de se comporter avec bestialité et cruauté ? Des hommes-animaux qui pullulent dans nos campagnes, vivent entre eux, se regroupent et font des horreurs. Et bien que Krafton s'expose d'elle-même comme une bourgade imaginaire, nous avons du mal à y croire. Ce qui nous amène à nous méfier de tout et de tout le monde, à réfléchir aux attitudes de chacun. Le meurtre, la violence, la cruauté envers les animaux, les comportements irrationnels, l'instinct d'une mère pour ses enfants. Tout le monde est imprévisible pourrait être la conclusion de ces huit nouvelles. Mais il faut d'abord commencer par s'observer dans un miroir...

Ophélie Curado, pour le blog de Decitre, blogueuse sur Le Journal des Lettres