Le prêt numérique en bibliothèque

- Il y a 8 ans
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Le numérique chez tous les acteurs du marché du livre

De nos jours, il semble pratiquement impossible pour les bibliothèques de passer à côté du prêt de livre numérique, aussi bien en ce qui concerne les dernières nouveautés et les best-sellers au rayon adulte, que le prêt de livres jeunesse et d'albums en section enfants. Le numérique s'inscrit dorénavant partout, dans chaque maillon de la chaîne du livre, et les bibliothèques ne sont pas en reste.

Les éditeurs doivent proposer l'édition de leurs ouvrages papier, également en version numérique, parfois même certains d'entre eux s'incarnent comme des éditeurs pure-players ne proposant une publication qu'exclusivement numérique. Les libraires doivent mettre à la disposition de leurs clients des liseuses et des téléchargements possibles de livres numériques, qu'il s'agisse de la FNAC, d'Amazon où encore de plus grandes librairies de renom telles que Decitre.

Les bibliothécaires quant à eux, souvent jugés en bout de la chaîne du livre, ont longtemps incarné de fervents résistants et de rustres défenseurs de l'ouvrage papier. Dorénavant, il leur est difficile de passer à côté de l’essor du numérique, se devant de cibler un lectorat adepte de ces nouvelles technologies, et ce, toutes générations confondues. Des prêts de liseuses sont à présents disponibles dans 200 bibliothèques en France ainsi que le téléchargement de livres numériques que l'usager peut lire sur les différents appareils qu'il possède (tablette, liseuse, smartphone, ordinateur).

La bibliothèque incarne alors un secteur que nous avons longtemps pensé ne pas être impacté par ce phénomène de dématérialisation, en raison d'une sanctification de l'ouvrage papier dans les rayonnages, d'un cliché selon lequel les usagers des bibliothèques ne sont que des retraités et que ceux qui empruntent en bibliothèque n'ont donc pas les moyens d'acheter des ouvrages en librairie. Des clichés qui, il faut bien le comprendre, n'ont plus aucun sens à l’ère du numérique, lorsque l’État lui-même et les agents du livre encouragent les bibliothèques à prendre le train du progrès...

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Les enjeux de la diffusion du livre numérique en bibliothèque


Bien que l’État ne donne pas financièrement les moyens aux bibliothèques de se développer et de s'enrichir, il ne cesse de les incliner en faveur du numérique, en occultant parfois les coûts que cela implique, préférant mettre en avant les aspects positifs du prêt numérique en bibliothèque. Des recommandations cosignées par les professionnels du livre et de l’État ont donc été mises en place, dans un souci de prêter main forte aux agents des bibliothèques afin que l'insertion dans le numérique puisse leur sembler abordable. Des mesures concrètes mais parfois idéalisées, qu'il nous faut étudier avec soin.

Si les bibliothèques décident de passer aux prêts de livres numériques, ou de liseuses, il faut qu'elles aient accès à l'intégralité de la production éditoriale numérique, et non pas à une offre limitée. Les usagers aiment à lire aussi bien les nouveautés, les best-sellers, que les ouvrages de fond pour les étudier. Il est donc important que les éditeurs s'impliquent aux côtés des bibliothécaires afin de ne pas proposer des prêts trop contraignants, au niveau de la durée du prêt, mais aussi en ce qui concerne l'épineuse question des DRM (Digital Rights Management).
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L’État met aussi en avant la mise en place d'une plate-forme, nouveau support parfois, pour les bibliothèques, visant à permettre de consulter sur place les livres numériques proposés, mais aussi d’accéder à distance à l’offre de la bibliothèque en question, puisque le numérique implique aussi une mise à distance des agents, permettant au public d'emprunter des livres avec une plus grande autonomie sans forcément se rendre sur place.

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Bien que dans certaines bibliothèques, il n'y a pas de réelles demandes de la part des usagers, le livre numérique peut s'offrir comme une solution à des problèmes trop souvent négligés, comme le cas des déficients visuels et des enfants handicapés qui ont parfois du mal à suivre les lectures ordinaires. L'offre numérique en bibliothèque permet donc de proposer aux personnes souffrant de handicap entravant la lecture, des solutions plus adaptées. Plus simplement, lorsque l'ouvrage papier est emprunté, proposer la version numérique est une manière de ne pas laisser un usager repartir frustré et donc d'assurer un service public de qualité.

Le rôle des bibliothèques publiques, et plus largement des éditeurs, est également de veiller à rémunérer équitablement les auteurs et favoriser le maintien des conditions de la création éditoriale, ce qui n'est pas un point à négliger. La question des droits est à la fois primordiale, en faveur de l'auteur qui propose son livre au format numérique aux bibliothèques, mais aussi une question réelle en matière de coûts, pour les bibliothécaires souvent submergés par les sommes colossales des droits reversés aux auteurs.
L’État semble donc avoir conscience qu'il faut, pour tous les acteurs du livre, auteur, éditeur, libraire, bibliothécaire, lecteur, trouver un juste équilibre dans lequel tout le monde pourra y gagner.

Nous constatons donc une réelle implication de l’État et des acteurs du livre autour de la question du prêt numérique en bibliothèque, et ce, de manière générale. Mais il est malheureusement occulté par un point capital : la baisse des subventions, des dotations de l’État aux villes et aux collectivités, les agents ne pouvant pas toujours mettre concrètement en pratique ces bonnes recommandations. Ce n'est pas la volonté qui manque aux agents, en dehors d'un besoin de formation, voir de sensibilisation à ces nouvelles formes de lecture, les agents étant parfois dépassés par une époque beaucoup trop rapide et trop moderne ; mais c'est bien un problème à plus large échelle, c'est-à-dire financier. Si l’État offre de belles promesses et des moyens attractifs en faveur du numérique, mais que l'argent n'arrive pas pour soutenir ces projets, la réalisation concrète sera difficile, voir impossible.

Les bibliothécaires, tout comme le reste des acteurs du livre, n'ont donc plus nécessairement besoin de savoir comment fonctionne concrètement le numérique, mais bien d'obtenir les moyens financiers permettant une réalisation concrète. L’État à ce niveau-là, semble donc, une fois encore, déblatérer de beaux discours qui demeurent lettres mortes, rien que pour faire bonne figure et faire croire à tous les professionnels du livre que la culture est encore essentielle, quand bien même l’État ne s'implique plus du tout dans cette dernière. Il ne serait donc plus temps de parler, mais bien d'agir, et ce, pour le bien et l'avenir de ces si belles institutions publiques, qu'incarnent avec résistance, les bibliothèques.


Ophélie Curado, pour le blog de Decitre, blogueuse sur Le Journal des Lettres