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Des Coréens au 11 septembre 2001, l'œuvre théâtrale de Michel Vinaver a depuis un demi-siècle imposé dans le paysage théâtral contemporain une présence atypique, dérangeante et indispensable. Sans moralisme ni didactisme, cet écrivain pointe dans chacune de ses pièces l'irréductible inadéquation de l'homme et du monde. Au milieu de la confusion d'événements qui nous submerge, il procède par collages, montages, tissages, superpositions, juxtapositions, tamisages.
Il prélève sur des organes souffrants de la société des séries d'échantillons qui parlent d'eux-mêmes. Il s'efface derrière sa méthode expérimentale et ses résultats, comme un médecin derrière un diagnostic qui s'impose. Or, en lisant une analyse médicale, on se garde d'affirmer plus qu'on ne sait, on interprète, comme on le fait au théâtre, car souvent le pronostic vital est engagé. Née du heurt et de la fiction d'éléments d'allure disparate, cette écriture théâtrale élude le pathos pour gagner le cœur de l'émotion et atteindre le centre de la pensée.
Elle résout enfin la contradiction fondamentale entre unité et fragmentation en provoquant, mot qu'affectionne Vinaver une déflagration. Le souhait de ce numéro d'Europe aura été de placer la parole même de l'écrivain au cœur du dispositif d'ensemble comme le serait une charge détonante. Ainsi disposés autour d'elle, les essais critiques, les témoignages, l'examen des travaux de metteurs en scène, réaffirment la vocation de ce théâtre paradoxal et hétérodoxe à se détourner des chemins accoutumés, à écouter, dans une traversée d'espaces encombrés, les bruits du monde pour, avec de l'ouï-dire, faire entendre l'inouï.