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Du ciron de Pascal aux cicindèles de Jünger, bien des petites bêtes bourdonnent, sifflent et stridulent dans l'imaginaire philosophique. Par l'incroyable diversité de leurs formes, les insectes fascinent et inquiètent. Quelque chose de mécanique dans leur gesticulation suggère que ces vivants minuscules sont aussi des vivants insensibles, figures d'une mort qui serait déjà présente dans la vie. Kafka a su dire l'angoisse du devenir-insecte, mais la science n'est pas moins sensible que la littérature au mystère de leurs comportements.
Y compris la science politique, qui a longtemps voulu, dans le miroir illusoire de leurs " sociétés ", reconnaître des formes ici démocratiques, là monarchiques, ailleurs encore tyranniques. Mais si les insectes tournent et retournent dans nos têtes, c'est qu'ils nous ouvrent un monde - et même un accès à la multiplicité des mondes possibles. C'est aussi que nous les découvrons, peu à peu, beaucoup plus en symbiose avec les autres vivants, non humains et humains, que nous ne l'aurions imaginé.
Les insectes eux-mêmes ont en effet leurs " petites bêtes " : de fascinantes bactéries qui influent sur leur développement, changent leur sexe et commandent leur reproduction. Dans ce numéro, Thierry Hoquet, Karine Prévot et Olivier Surel explorent quelques-uns des mystères du micro-monde ; et le peintre Horacio Cassinelli, dans l'entretien qu'il nous a accordé, développe sa vision d'un art, " simulacre de la sélection naturelle ", qu'il consacre aux éphémères.