L’écrivain guatémaltèque Eduardo Halfon revient sur un épisode traumatisant de son enfance dans un livre troublant à la lecture hypnotique.
En 1984, alors qu’il n’a pas treize ans et que, sa famille ayant fui le Guatemala deux années plus tôt, il vit en Floride, le jeune Eduardo est envoyé avec son frère cadet dans un camp de survie pour enfants juifs, en pleine jungle guatémaltèque. Leurs parents entendent ainsi leur rappeler leurs origines. Ils ignorent que les encadrants ont à cette fin décidé d’organiser le camp de manière concentrationnaire et, pour bien clouer leur identité juive dans la tête des enfants, de leur faire concrètement expérimenter ce que terreur nazie veut dire.
Réveillé par des cris dès l’incipit ouvrant sur le premier matin, le jeune narrateur découvre sur le bras du chef Samuel Blum ce que, dans son effarement, il prend d’abord pour une énorme tarentule, mais qui, à y mieux regarder, s’avère une croix gammée. Choqué par les actes d’humiliation et de terreur qui se multiplient, le garçon finit par prendre la fuite et se perd seul dans les inhospitalières montagnes de l’Altiplano, à plusieurs heures de marche de toute zone habitée. Sa survie n’a décidément plus rien d’un jeu. A la stupeur hallucinée initiale succède la panique en milieu hostile et inconnu.
« Pourquoi obliger des enfants à éprouver ces souffrances et cette peur, à vivre ce cauchemar ? » Et qui est au juste ce Samuel Blum ? Ce n’est que bien des années plus tard, alors qu’établi à Berlin, il y reconnaît une camarade du camp et que, grâce à elle, il se retrouve face à cet homme, que le narrateur a enfin l’occasion de poser ces questions qui le taraudent. A la frontière de la paranoïa entre traumatisme, ressentiment et transmission d’une insurmontable mémoire, les réponses qu’il obtient ont tout pour ouvrir de nouveaux abîmes d’angoisse et d’interrogation : sur l’héritage de la Shoah, sur l’antisémitisme encore aujourd’hui, sur l’auto-ghettoïsation des communautés juives soucieuses de se resserrer dans les pays où elles vivent, sur ce que peut représenter d’être juif à Berlin où les traces du passé sont partout, enfin sur l’identité quand, au final, c’est auprès d’Indiens, dans un stoïcisme endurant et mutique éloigné des cris et de la guerre, que le personnage du roman trouve réconfort et protection.
Cousue des mille éclats d’une mémoire douloureuse, cette autofiction haletante et tourmentée, presque une histoire d’horreur, se lit en un seul souffle de sidération pour finalement ouvrir, avec justesse et sincérité, quantité de questions sur la religion et sur l’identité. Un très grand coup de coeur.
L’écrivain guatémaltèque Eduardo Halfon revient sur un épisode traumatisant de son enfance dans un livre troublant à la lecture hypnotique.
En 1984, alors qu’il n’a pas treize ans et que, sa famille ayant fui le Guatemala deux années plus tôt, il vit en Floride, le jeune Eduardo est envoyé avec son frère cadet dans un camp de survie pour enfants juifs, en pleine jungle guatémaltèque. Leurs parents entendent ainsi leur rappeler leurs origines. Ils ignorent que les encadrants ont à cette fin décidé d’organiser le camp de manière concentrationnaire et, pour bien clouer leur identité juive dans la tête des enfants, de leur faire concrètement expérimenter ce que terreur nazie veut dire.
Réveillé par des cris dès l’incipit ouvrant sur le premier matin, le jeune narrateur découvre sur le bras du chef Samuel Blum ce que, dans son effarement, il prend d’abord pour une énorme tarentule, mais qui, à y mieux regarder, s’avère une croix gammée. Choqué par les actes d’humiliation et de terreur qui se multiplient, le garçon finit par prendre la fuite et se perd seul dans les inhospitalières montagnes de l’Altiplano, à plusieurs heures de marche de toute zone habitée. Sa survie n’a décidément plus rien d’un jeu. A la stupeur hallucinée initiale succède la panique en milieu hostile et inconnu.
« Pourquoi obliger des enfants à éprouver ces souffrances et cette peur, à vivre ce cauchemar ? » Et qui est au juste ce Samuel Blum ? Ce n’est que bien des années plus tard, alors qu’établi à Berlin, il y reconnaît une camarade du camp et que, grâce à elle, il se retrouve face à cet homme, que le narrateur a enfin l’occasion de poser ces questions qui le taraudent. A la frontière de la paranoïa entre traumatisme, ressentiment et transmission d’une insurmontable mémoire, les réponses qu’il obtient ont tout pour ouvrir de nouveaux abîmes d’angoisse et d’interrogation : sur l’héritage de la Shoah, sur l’antisémitisme encore aujourd’hui, sur l’auto-ghettoïsation des communautés juives soucieuses de se resserrer dans les pays où elles vivent, sur ce que peut représenter d’être juif à Berlin où les traces du passé sont partout, enfin sur l’identité quand, au final, c’est auprès d’Indiens, dans un stoïcisme endurant et mutique éloigné des cris et de la guerre, que le personnage du roman trouve réconfort et protection.
Cousue des mille éclats d’une mémoire douloureuse, cette autofiction haletante et tourmentée, presque une histoire d’horreur, se lit en un seul souffle de sidération pour finalement ouvrir, avec justesse et sincérité, quantité de questions sur la religion et sur l’identité. Un très grand coup de coeur.