« Il n'applique jamais la même recette à deux ouvrages, ce qui contribue à la grande variété de son œuvre. » Ainsi le jury saluait-il l’écrivain australien originaire d’Afrique du Sud en lui remettant en 2003 le prix Nobel de littérature. A quatre-vingt-trois ans, J.M. Coetzee continue de surprendre avec un ouvrage énigmatique, où un amour ambivalent semble se faire la métaphore, sous la forme d’un « Je t’aime, moi non plus » ou encore d’un chassé croisé infini et désespéré, de la relation de l’écrivain avec l’inspiration et la littérature.
Juxtaposition de vignettes numérotées, le texte aussi bref que son écriture est sèche déroule dans une froideur ironique la relation amoureuse, pas si à sens unique que cela, qui se noue entre le polonais Witold, pianiste concertiste septuagénaire, et Beatriz, une femme mariée de la bourgeoisie barcelonaise, de vingt ans sa cadette, organisatrice de concerts. C’est à travers ses yeux à elle que l’on perçoit leur histoire.
Rebutée par l’interprétation inhabituellement peu romantique de la musique de Chopin par Witold, plus encore tenue à distance par leur absence de langue commune, elle n’est déjà que hauteur et ennui lorsque cet homme en âge d’être son père lui déclare sa flamme, la comparant à une autre Béatrice, celle qui fut la muse de Dante. Partagée entre pitié et répulsion, mais au fond flattée et intriguée, elle se montre tentée par un début d’idylle mais, ne mâchant pas ses mots, finit par se persuader de son indifférence. Il lui léguera des poèmes en polonais qui, une fois traduits, continueront à la hanter de leur sens à jamais mystérieux, scellant l’incommunicabilité entre ces deux êtres en même temps que leur impalpable mais bien réel attachement.
A première vue déconcertante de banalité malgré la dissection sèche, presque méchante, d’une relation beaucoup plus ambivalente qu’elle n’y paraît, la narration prend tout son sens lorsque, conscient de la prédilection de l’auteur pour l’ambiguïté et les allégories cachées derrière le réalisme de ses textes, l’on se prend à aligner les indices à la recherche d’un autre sens. De la musique de Chopin à celle des mots, et du vieil interprète à qui échappe le sens des notes, la langue des autres et les caprices de sa muse à l’écrivain âgé s’interrogeant sur ce que la postérité retiendra du sens de son œuvre, ce sont les doutes et le combat de l’homme de lettres à trouver les mots justes, à peine entrevus déjà enfuis, à peine exprimés déjà mal compris, qui semblent s’exprimer ici à propos d’un art littéraire insaisissable par essence.
Un coup de maître que ce livre impossible à écrire plus à l’os et qui pourtant semble recéler un double fond, si ce n’est celui d’une sorte de testament littéraire, à tout le moins celle de l’ironie lucide et un peu triste d’un écrivain se retournant sur toute une vie à tenter de saisir l’insaisissable au bout de sa plume.
« Il n'applique jamais la même recette à deux ouvrages, ce qui contribue à la grande variété de son œuvre. » Ainsi le jury saluait-il l’écrivain australien originaire d’Afrique du Sud en lui remettant en 2003 le prix Nobel de littérature. A quatre-vingt-trois ans, J.M. Coetzee continue de surprendre avec un ouvrage énigmatique, où un amour ambivalent semble se faire la métaphore, sous la forme d’un « Je t’aime, moi non plus » ou encore d’un chassé croisé infini et désespéré, de la relation de l’écrivain avec l’inspiration et la littérature.
Juxtaposition de vignettes numérotées, le texte aussi bref que son écriture est sèche déroule dans une froideur ironique la relation amoureuse, pas si à sens unique que cela, qui se noue entre le polonais Witold, pianiste concertiste septuagénaire, et Beatriz, une femme mariée de la bourgeoisie barcelonaise, de vingt ans sa cadette, organisatrice de concerts. C’est à travers ses yeux à elle que l’on perçoit leur histoire.
Rebutée par l’interprétation inhabituellement peu romantique de la musique de Chopin par Witold, plus encore tenue à distance par leur absence de langue commune, elle n’est déjà que hauteur et ennui lorsque cet homme en âge d’être son père lui déclare sa flamme, la comparant à une autre Béatrice, celle qui fut la muse de Dante. Partagée entre pitié et répulsion, mais au fond flattée et intriguée, elle se montre tentée par un début d’idylle mais, ne mâchant pas ses mots, finit par se persuader de son indifférence. Il lui léguera des poèmes en polonais qui, une fois traduits, continueront à la hanter de leur sens à jamais mystérieux, scellant l’incommunicabilité entre ces deux êtres en même temps que leur impalpable mais bien réel attachement.
A première vue déconcertante de banalité malgré la dissection sèche, presque méchante, d’une relation beaucoup plus ambivalente qu’elle n’y paraît, la narration prend tout son sens lorsque, conscient de la prédilection de l’auteur pour l’ambiguïté et les allégories cachées derrière le réalisme de ses textes, l’on se prend à aligner les indices à la recherche d’un autre sens. De la musique de Chopin à celle des mots, et du vieil interprète à qui échappe le sens des notes, la langue des autres et les caprices de sa muse à l’écrivain âgé s’interrogeant sur ce que la postérité retiendra du sens de son œuvre, ce sont les doutes et le combat de l’homme de lettres à trouver les mots justes, à peine entrevus déjà enfuis, à peine exprimés déjà mal compris, qui semblent s’exprimer ici à propos d’un art littéraire insaisissable par essence.
Un coup de maître que ce livre impossible à écrire plus à l’os et qui pourtant semble recéler un double fond, si ce n’est celui d’une sorte de testament littéraire, à tout le moins celle de l’ironie lucide et un peu triste d’un écrivain se retournant sur toute une vie à tenter de saisir l’insaisissable au bout de sa plume.