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L'intégrale du cycle du Monstre réunit Le Sommeil du monstre, 32 décembre, Rendez-vous à Paris et Quatre ? sous la forme d'une trilogie (les deux derniers titres étant ici fusionnés selon la volonté de l'auteur). Ce travail personnel, né d'une douleur liée à la guerre destructrice de la Yougoslavie dans les années quatre-vingt-dix, évoque le parcours de trois orphelins nés en l'espace de quelques jours, dans un même lit, sous les bombes de Sarajevo, en 1993.
La mémoire, déclinée sous toutes ses formes, sera le pivot de leurs trajectoires dans un futur truffé de sinistres prémonitions dont certaines se sont déjà révélées. Au terme de trois étapes, la première sombre et violente (1998), la deuxième délirante et décalée (2003), la troisième plus réaliste et apaisée (2006-2007), Nike, Leyla et Amir finiront par se retrouver. Simplement, comme dans la vraie vie...
Tétralogie du Monstre
Ce qui frappe avant tout, c'est la qualité picturale de chaque planche. Du blanc au noir, en passant par tout les dégradés de gris, la palette de Bilal se complète de couleurs plus vives, essentiellement de bleu, de jaune et de rouge. Le travail sur le flou, les brumes et les fumées est magnifique ; et aussi ces étranges filaments qui se détachent de la pâte des personnages ou des objet en mouvement, un peu comme des volutes d'encre dans de l'eau. La composition des vignettes s'inspire du cinéma, mais la liberté est ici plus grande. La sensualité du trait est visible dans chaque dessin, ce qui donne une chaleur que les albums précédents n'avaient pas : un côté brut qui, avec une couleur plus léchée, resterait invisible.
Le scénario, qui se libère des thèmes classiques de la SF, est très complexe et offre plusieurs degrés de lecture, on suit trois itinéraires parallèles, ces histoires mystérieuses se construisent selon un rythme assez lent, comme dans un rêve. L'utilisation de la mémoire est très originale et offre une seconde lecture en ponctuant le récit d'une sorte de compte à rebours ; une plongée dans les souvenirs, et qui accompagne, semble t'il, les souvenirs de Bilal, même si il ne lève pas vraiment le voile sur sa propre histoire. Le thème du totalitarisme est souvent abordé dans les œuvres de Bilal, ici par le biais d'une religion étrange, mutante et folle. Le père de Leyla, dans l'histoire, applique jusqu'au bout sa propre maxime : être « libre jusqu'au choix de ma propre mort ». En montant vers les étoiles – en s'y perdant ? - le père de Leyla réalise un rêve trop humain. Pendant ce temps, sur terre, la guerre monte en réveillant le Monstre.
L'intégrale comprend les quatre volumes : Le sommeil du monstre, 32 décembre, Retour à Paris et Quatre ?