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Le jazz, qui apparaît comme un phénomène esthétique majeur du xxe siècle, a pourtant été délaissé par la philosophie qui en a été contemporaine. Ce désamour de la philosophie à l'égard du jazz se mesure à deux niveaux : d'une part à la rareté des écrits philosophiques qui lui sont consacrés, d'autre part à la dureté du traitement qui lui a été généralement réservé. Mais alors, quel sens donner à ce silence "philo-phonique" à propos du jazz ? Pourquoi les philosophes contemporains du siècle du jazz ne se sont-ils jamais véritablement intéressés à sa dimension esthétique ? Et pourquoi n'ont-ils pas davantage porté attention à ses revendications politiques, alors même que celles-ci ont donné lieu à de vifs débats dans les années 1960-1970 ? L'objectif de cet essai ne consiste pas à exposer des éléments conceptuels sur lesquels on pourrait faire reposer une philosophie du jazz, mais plutôt à faire émerger le sens philosophique de ce "rendez-vous manqué" entre le jazz et la philosophie.
La philosophie, face au jazz, semble devoir se confronter à ce qui lui échappe : l'ampleur des processus de dénégation mis en place par certains auteurs pour ne pas le prendre en considération semble témoigner du fait que le jazz résiste bel et bien à son appréhension philosophique. Si la philosophie a bien eu du mal à tenir le jazz en respect, si ce dernier lui a opposé avec bruit et fracas un obstacle théorique l'ayant conduit à une "sortie de route" , alors le diagnostic de cet échec ne nous laisse pas sans rien.
Il invite la philosophie (les philosophes) à comprendre les motifs de son mutisme, à débusquer ses craintes et ses préjugés, à repenser, un à un, ses concepts traditionnels - et par là même à réinterroger le sens même du geste de l'esthétique, lorsqu'il s'agit pour elle de penser la musique.
Philosophie et jazz
Tout en partant d'un silence/mépris/incompréhension de la philosophie/de l'esthétique envers le jazz, l'auteure pose les bases d'une possible nouvelle écoute : celle du jazz, certes, mais pas que. Une écoute de tout ce qui échappe aux canons européens/occidentaux – de la musique, de l'art, de l'écriture.
La richesse analytique et théorique de ce livre est immense, et elle se révèle encore plus quand l'auteure, en allant au-delà des questions musicologiques et esthétiques, aborde la dimension politique du jazz : petit ou grand pas en avant qui lui permettra de revenir sur la philosophie d'Adorno, sur ses positions sur le jazz et la popular music, la radio, l'industrie culturelle et la société administrée. La confrontation d'Adorno et de Thelonious Monk (et du free jazz) est passionnante et pleine de perspectives pour une nouvelle lecture philosophique du jazz, en particulier, et de la musique en général.