De son expérience d’enseignant en Seine-Saint-Denis, Thomas B. Reverdy tire une fiction terriblement vraie qui met en scène, en une seule journée explosive, le quotidien banalement chaotique d’un lycée de banlieue parisienne en voie de ghettoïsation.
Unité d’action, de temps et de lieu : nous sommes dans une tragédie classique mais très contemporaine, qui, pour être inventée, ne nous tend pas moins un troublant miroir de l’actualité. Séquencé d’heure en heure pour épouser le rythme d’un établissement scolaire, le récit nous immerge un jour entier dans un lycée de
Bondy Nord, planté comme un îlot dans un courant boueux au confluent de l’autoroute A3, du canal de l’Ourcq, d’une zone industrielle et d’un campement de Roms. C’est à ce carrefour dantesque à deux pas du lycée que se resserre le nœud gordien d’un drame que la violence entreprendra de trancher. Tout commence en ces lieux par une altercation, de bon matin, entre un adolescent et un homme que la rumeur identifie bientôt comme un policier en civil. Tel un empoisonnement se répandant rapidement dans le sang, la colère se met aussitôt à enfler et, le temps que le mot d’ordre inonde les réseaux sociaux, une émeute s’apprête à déferler sur le quartier.
Inconscients du raz-de-marée qui se prépare dans un menaçant crescendo de tension narrative, lycéens et professeurs s’efforcent de leur côté de traverser au mieux cette nouvelle journée scolaire. Plusieurs lignes narratives s’entrecroisent et multiplient les points de vue. Tandis que Mo, un lycéen ni pire ni meilleur qu’un autre, s'évertue à plaire à la belle Sara sans s’attirer les railleries des caïds, que Candice la professeur de théâtre s’attèle dans le chahut habituel à une mission d’année en d’année toujours plus difficile, Paul, un écrivain confidentiel animant pour la première fois un atelier d’écriture en milieu scolaire, découvre en observateur candide les réalités de l’enseignement en banlieue défavorisée. Des classes à l’infirmerie en passant par l'infernal chaos de la cantine, des conversations autour de la machine à café aux réunions syndicales, apparaît par petites touches virtuoses un tableau d’ensemble frappant de justesse et de clairvoyance. Pendant que la proviseure atténue les vagues pour complaire à sa hiérarchie et que la CPE court follement de crise en crise, les enseignants rescapés de la démotivation affrontent la déconsidération, le manque de moyens et l’érosion des ambitions, dans des locaux aussi délabrés que ces quartiers de banlieue laissés à l’abandon.
Lorsque surviendra la déflagration, semblable à d’autres observées dans la réalité, l’on aura déjà saisi, au contact de personnages campés avec tendresse dans toute leur authenticité, leur terrible désenchantement en même temps que le miracle de leur ténacité quand l’effondrement général menace. Aux aspirations et aux talents des élèves résistant à la spirale mortifère du ghetto – à Bondy aussi, les pigeons ne demandent qu’à s’élancer vers le ciel, même s’ils reviennent toujours à leur pigeonnier bâti face au lycée – continue malgré tout de répondre le dévouement d’enseignants refusant de les abandonner. Mais le théâtre brûle, bientôt ne restera plus pour les sauver que le « grand secours », cette vanne anti-incendie qui permet d’inonder la scène...
Oscillant entre découragement et espoir autour d’un sentiment d’urgence, Thomas B. Reverdy signe de sa plume fine et nerveuse un roman du réel, magnifique de poésie et d’intensité, en même temps qu’un formidable hommage aux enseignants qui gardent la vocation malgré un terrible manque de moyens.
Entre découragement et espoir autour d’un sentiment d’urgence
De son expérience d’enseignant en Seine-Saint-Denis, Thomas B. Reverdy tire une fiction terriblement vraie qui met en scène, en une seule journée explosive, le quotidien banalement chaotique d’un lycée de banlieue parisienne en voie de ghettoïsation.
Unité d’action, de temps et de lieu : nous sommes dans une tragédie classique mais très contemporaine, qui, pour être inventée, ne nous tend pas moins un troublant miroir de l’actualité. Séquencé d’heure en heure pour épouser le rythme d’un établissement scolaire, le récit nous immerge un jour entier dans un lycée de Bondy Nord, planté comme un îlot dans un courant boueux au confluent de l’autoroute A3, du canal de l’Ourcq, d’une zone industrielle et d’un campement de Roms. C’est à ce carrefour dantesque à deux pas du lycée que se resserre le nœud gordien d’un drame que la violence entreprendra de trancher. Tout commence en ces lieux par une altercation, de bon matin, entre un adolescent et un homme que la rumeur identifie bientôt comme un policier en civil. Tel un empoisonnement se répandant rapidement dans le sang, la colère se met aussitôt à enfler et, le temps que le mot d’ordre inonde les réseaux sociaux, une émeute s’apprête à déferler sur le quartier.
Inconscients du raz-de-marée qui se prépare dans un menaçant crescendo de tension narrative, lycéens et professeurs s’efforcent de leur côté de traverser au mieux cette nouvelle journée scolaire. Plusieurs lignes narratives s’entrecroisent et multiplient les points de vue. Tandis que Mo, un lycéen ni pire ni meilleur qu’un autre, s'évertue à plaire à la belle Sara sans s’attirer les railleries des caïds, que Candice la professeur de théâtre s’attèle dans le chahut habituel à une mission d’année en d’année toujours plus difficile, Paul, un écrivain confidentiel animant pour la première fois un atelier d’écriture en milieu scolaire, découvre en observateur candide les réalités de l’enseignement en banlieue défavorisée. Des classes à l’infirmerie en passant par l'infernal chaos de la cantine, des conversations autour de la machine à café aux réunions syndicales, apparaît par petites touches virtuoses un tableau d’ensemble frappant de justesse et de clairvoyance. Pendant que la proviseure atténue les vagues pour complaire à sa hiérarchie et que la CPE court follement de crise en crise, les enseignants rescapés de la démotivation affrontent la déconsidération, le manque de moyens et l’érosion des ambitions, dans des locaux aussi délabrés que ces quartiers de banlieue laissés à l’abandon.
Lorsque surviendra la déflagration, semblable à d’autres observées dans la réalité, l’on aura déjà saisi, au contact de personnages campés avec tendresse dans toute leur authenticité, leur terrible désenchantement en même temps que le miracle de leur ténacité quand l’effondrement général menace. Aux aspirations et aux talents des élèves résistant à la spirale mortifère du ghetto – à Bondy aussi, les pigeons ne demandent qu’à s’élancer vers le ciel, même s’ils reviennent toujours à leur pigeonnier bâti face au lycée – continue malgré tout de répondre le dévouement d’enseignants refusant de les abandonner. Mais le théâtre brûle, bientôt ne restera plus pour les sauver que le « grand secours », cette vanne anti-incendie qui permet d’inonder la scène...
Oscillant entre découragement et espoir autour d’un sentiment d’urgence, Thomas B. Reverdy signe de sa plume fine et nerveuse un roman du réel, magnifique de poésie et d’intensité, en même temps qu’un formidable hommage aux enseignants qui gardent la vocation malgré un terrible manque de moyens.