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Saisir les secrets de la création en regardant par-dessus l'épaule d'un grand écrivain tandis que le texte s'élabore, c'est peut-être là le désir de tout nouvel auteur. Dans ce grand entretien, Pascaline David lève le voile sur le travail d'écriture et l'univers romanesque de Jérôme Ferrari. L'écrivain aborde des thèmes aussi variés que le rôle de l'enfance dans le déploiement de la vocation romanesque, la construction de personnages, la mise en ouvre de la langue, l'élaboration du récit ou le travail de l'écriture proprement dit.
EXTRAITJe ne peux pas écrire quelque chose en quoi, d'une certaine manière, je ne crois pas. Je sais bien que c'est de la fiction mais, en même temps, il faut que j'y croie. Il faut que j'y croie parce que sinon pourquoi irais-je l'écrire ? Il faut que j'y croie et que ce soit comme si je regardais quelque chose qui se déroule dans une espèce de petit monde. À PROPOS DES AUTEURSJérôme Ferrari est un écrivain et traducteur français.
Né de parents corses, il est agrégé de philosophie et titulaire d'un DEA d'ethnologie. Il a vécu en Corse et enseigné la philosophie au lycée de Porto-Vecchio. Durant cette période, il a organisé notamment des "cafés philosophies" à Bastia, puis enseigné au lycée international Alexandre-Dumas d'Alger, au lycée Fesch d'Ajaccio jusqu'en 2012, et au lycée français Louis Massignon d'Abou Dabi jusqu'en 2015.
Depuis la rentrée 2015, il enseigne la philosophie en hypokhâgne, au lycée Giocante de Casabianca de Bastia. Il débute une carrière d'écrivain en 2001 avec un recueil de nouvelles, Variété de la mort et un roman, Aleph Zero (2003). Auteur à la plume corrosive, Jérôme Ferrari s'inspire de la Corse pour écrire Balco Atlantico, paru chez Actes Sud en 2008. Avec son roman, Un dieu un animal, l'écrivain évoque la guerre et le monde de l'après 11 septembre.
Il reçoit pour ce roman le prix Landerneau en juin 2009. Après le Prix France Télévisions et le Grand Prix Poncetton SGDL en 2010 pour Où j'ai laissé mon âme, son roman Le sermon sur la chute de Rome (2012) est l'un des événements de la rentrée littéraire finalement couronné par le Prix Goncourt. Il reçoit le Prix littéraire "Le Monde" 2018. Pascaline David est née à Bruxelles en 1976. En 2014, elle fonde les éditions Diagonale avec Ann-Gaëlle Dumont.
Déchirement de l'exil
Installée en Belgique après avoir fui l’Espagne franquiste, la famille du jeune Rodrigo vit mal son exil. Pendant que la mère nourrit la maisonnée grâce à son emploi de femme de ménage, et que le père noie au bistrot la maladie qui le tient éloigné des Charbonnages, le fils ne rêve que de s’échapper de l’école et de devenir grand torero. La mort de Franco vient soudain rebattre les cartes.
Après un court métrage homonyme en 2017, Francisco Palomar Custance revient avec la même histoire, inspirée, au moins en partie, de sa propre enfance, et cette fois développée sous la forme d’un roman. Rejetant la réalité grise et triste d’une famille émigrée sans guère d’horizon ni de ressources, Rodrigo se réfugie dans ses fantasmes d’un pays natal de cocagne, où les vacances perpétuelles évitent aux enfants le souci de l’école, mais surtout, où son père, pense-t-il, était un héros, à l’opposé de cet homme aujourd’hui absent et démissionnaire, miné par l’alcool et la dépression.
Le récit, à hauteur de ce garçon de onze ans, possède le charme et l’authenticité des souvenirs et des émotions de l’enfance, tandis que, de rires en serrements de coeur, le lecteur se retrouve invité dans les rêves candides et rebelles d’un gamin turbulent, en mal de repères et en quête d’idéal. La tendresse amusée se teinte vite d’inquiétude, au fur et à mesure que le fils s’évade dans un avenir de chimères et le père dans un passé magnifié par la nostalgie. Alors que, dans cette famille, seules femme et fille rassemblent le courage d’affronter la réalité matérielle, père et rejeton s’enferment dans une bulle imaginaire dont on se prend à redouter l’inéluctable et désastreuse explosion.
Tout sonne juste dans ce roman habité par l’émotion tendre et mélancolique de l’auteur, qui retrace l’écrasant désarroi de parents déracinés, et revit les rêves et les illusions d’un enfant confusément en quête d’un bonheur familial perdu dans l’exil. Un bien joli roman, que l’on n'a aucune peine à imaginer, cette fois, en long métrage !