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Semblable au pauvre Orphée, le nouvel Adam libéral est condamné à gravir le sentier escarpé du "Progrès" sans jamais pouvoir s'autoriser le moindre regard en arrière. Voudrait-il enfreindre ce tabou - "c'était mieux avant" - qu'il se venait automatiquement relégué au rang de beauf ; d'extrémiste, de réactionnaire, tant les valeurs des gens ordinaires sont condamnées à n'être plus que l'expression d'un impardonnable "populisme".
C'est que gauche et droite ont rallié le mythe originel de la pensée capitaliste : cette anthropologie noire qui fait de l'homme un égoïste par nature. La première tient tout jugement moral pour une discrimination potentielle, la seconde pour l'expression d'une préférence strictement privée. Fort de cette impossible limite, le capitalisme prospère, faisant spectacle des critiques censées le remettre en cause.
Comment s'est opérée cette double césure morale et politique ? Comment la gauche a-t-elle abandonné l'ambition d'une société décente qui était celle des premiers socialistes ? En un mot, comment le loup libéral est-il entré dans la bergerie socialiste ? Voici quelques-unes des questions qu'explore, Jean-Claude Michéa dans cet essai scintillant, nourri d'histoire, d'anthropologie et de philosophie.
Pertinemment incorrect !
"Common Decency vs Religion du Progrés" (de droite ou de gauche) : c'est le combat que mène Michéa avec son intelligence et son érudition. Ici, point d'exposé systématique composé de chapitres mais une suite de digressions s'engendrant les unes les autres, formant un texte riche, vivant, aux prises avec l'actualité. Il constitue une bonne entrée en matière pour qui souhaite se familiariser avec l'un des penseurs les plus pertinents de notre époque, autant qu'un approfondissement de thèses déjà formulées. "Comme l'a reconnu Warren Buffet, si la collectivité confisquait 99% de ses biens, il ne s'en apercevrait même pas et rien ne changerait dans sa manière quotidienne de vivre." (cf. p.104).
Oui, un autre monde est possible et nécessaire. Michéa nous donne les outils philosophiques pour le penser, à nous de le fabriquer...