Après Sa préférée, premier roman coup de poing très remarqué sur les traces psychologiques laissées par la violence familiale subie dans l’enfance, Sarah Jollien-Fardel relève le défi d’un très attendu second ouvrage en explorant le sujet de la résilience après la mort d’un enfant.
Il est encore ici question de violence extrême, celle qui frappe une mère à la mort de son enfant. Pas le temps de respirer ni de se laisser aller à l’émotion, le lecteur est cueilli d’emblée par l’implacable brutalité du désespoir de Rose et par le choc d’une scène à peine concevable : cette mère foudroyée vit entravée par une longe dans la chambre où elle est enfermée. Que s’est-il donc passé ? L’on en vient même à se demander si, dangereuse, elle n’aurait pas commis quelque folie qui lesterait sa douleur du poids d’une terrassante culpabilité.
Commence alors, entrecoupé de brefs et douloureux retours au présent, le récit par Rose de tout ce qui a précédé et devait déboucher sur ce tableau d‘épouvante : une enfance heureuse dans les montagnes du Valais, cisaillée à onze ans par la maladie, puis la mort de la mère ; les années suivantes sauvées par les grands-mères quand père et frère n’étaient plus qu’affrontements amers ; les études d’ostéopathie et les retrouvailles, puis l’amour, avec Camil, l’ami d’enfance ; enfin, la naissance impromptue d’Anna, suivie huit ans plus tard de l’accident et de trois longues années à sombrer toujours plus profond dans un désespoir plombé par la culpabilité et la colère.
Forcées par la réclusion, les ruminations de Rose se font peu à peu l’occasion d’un début de prise de recul. Le passé avait ses failles que le drame a ouvertes en grand. Il fallait que Rose le comprenne pour sortir de l’aveuglement de la colère, contre le monde et surtout contre elle-même. L’armure de sa rage une fois fendue, alors seulement pourra-t-elle, avec le soutien résolu de Camil, d’une inconnue passée par les mêmes affres et des mots puisés dans la littérature, chez Duras ou Rilke, entreprendre enfin les premiers pas menant au long chemin de la résilience.
Sarah Jollien-Fardel évite heureusement l’écueil du sensationnalisme auquel sa longe aurait pu faire penser si elle n’en avait fait le symbole du contre-choc nécessaire à Rose pour se sortir de son impasse psychologique, aux confins de la démence. Davantage que le désespoir et la folie, l’on retient au final de magnifiques portraits de femmes, de Rose et de sa presque anonyme consœur dans le malheur, mais surtout des deux grands-mères, si dissemblables et pourtant mues par les mêmes ressorts, l’amour pour leur petite-fille et leur détermination silencieuse face à ce qui, à y bien regarder, relève d’un sort un jour où l’autre universellement partagé : la douleur et la perte.
Un roman court, dense et éruptif, menant progressivement, dans le superbe écrin des montagnes du Valais, à la prévalence de la lumière sur l’ombre, par la dure acceptation que la mort fait partie de la vie.
Après Sa préférée, premier roman coup de poing très remarqué sur les traces psychologiques laissées par la violence familiale subie dans l’enfance, Sarah Jollien-Fardel relève le défi d’un très attendu second ouvrage en explorant le sujet de la résilience après la mort d’un enfant.
Il est encore ici question de violence extrême, celle qui frappe une mère à la mort de son enfant. Pas le temps de respirer ni de se laisser aller à l’émotion, le lecteur est cueilli d’emblée par l’implacable brutalité du désespoir de Rose et par le choc d’une scène à peine concevable : cette mère foudroyée vit entravée par une longe dans la chambre où elle est enfermée. Que s’est-il donc passé ? L’on en vient même à se demander si, dangereuse, elle n’aurait pas commis quelque folie qui lesterait sa douleur du poids d’une terrassante culpabilité.
Commence alors, entrecoupé de brefs et douloureux retours au présent, le récit par Rose de tout ce qui a précédé et devait déboucher sur ce tableau d‘épouvante : une enfance heureuse dans les montagnes du Valais, cisaillée à onze ans par la maladie, puis la mort de la mère ; les années suivantes sauvées par les grands-mères quand père et frère n’étaient plus qu’affrontements amers ; les études d’ostéopathie et les retrouvailles, puis l’amour, avec Camil, l’ami d’enfance ; enfin, la naissance impromptue d’Anna, suivie huit ans plus tard de l’accident et de trois longues années à sombrer toujours plus profond dans un désespoir plombé par la culpabilité et la colère.
Forcées par la réclusion, les ruminations de Rose se font peu à peu l’occasion d’un début de prise de recul. Le passé avait ses failles que le drame a ouvertes en grand. Il fallait que Rose le comprenne pour sortir de l’aveuglement de la colère, contre le monde et surtout contre elle-même. L’armure de sa rage une fois fendue, alors seulement pourra-t-elle, avec le soutien résolu de Camil, d’une inconnue passée par les mêmes affres et des mots puisés dans la littérature, chez Duras ou Rilke, entreprendre enfin les premiers pas menant au long chemin de la résilience.
Sarah Jollien-Fardel évite heureusement l’écueil du sensationnalisme auquel sa longe aurait pu faire penser si elle n’en avait fait le symbole du contre-choc nécessaire à Rose pour se sortir de son impasse psychologique, aux confins de la démence. Davantage que le désespoir et la folie, l’on retient au final de magnifiques portraits de femmes, de Rose et de sa presque anonyme consœur dans le malheur, mais surtout des deux grands-mères, si dissemblables et pourtant mues par les mêmes ressorts, l’amour pour leur petite-fille et leur détermination silencieuse face à ce qui, à y bien regarder, relève d’un sort un jour où l’autre universellement partagé : la douleur et la perte.
Un roman court, dense et éruptif, menant progressivement, dans le superbe écrin des montagnes du Valais, à la prévalence de la lumière sur l’ombre, par la dure acceptation que la mort fait partie de la vie.