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Le souffle d’une vie naît d’une rencontre entre un enfant devenu jeune adulte, Massyre, et un lieu, la Montagne Blanche, particulièrement apprécié par tous les conquérants venus visiter la Tunisie, y compris les frères protecteurs armés français. Le lieu est unique. Massyre est multiple. Il y a d’abord ses sept sœurs et leurs destins qui le regardent en silence, lui, le garçon, le huitième. Et puis, il y a ses huit métiers : suiveur de chèvres jusqu’à l’abattoir, chercheur de l’escargot souterrain, helix aperta, vendeur de fruits sauvages, d’eau à la criée, de boissons gazeuses, négociant en journaux au kilo et fripier.
Tout en commerçant, Massyre va à l’école primaire, au collège, au lycée et à l’université, fait une rencontre déterminante avec la problématique et l’Histoire, et devient professeur d’histoire et de géographie au lycée de la Montagne Blanche. Mais peut-on enseigner le passé dans le lieu de son commerce et de sa grande Histoire ? Il perd sa bien-aimée, la sublime Sawdette, lors d’un tirage au sort, et lui organise un mariage somptueux, renonce à sa part d’héritage au profit de ses sept soeurs, veut s’assurer que le salut du Maghreb viendrait d’une fraternité retrouvée entre Alger et Tunis, embrasse son père sur les yeux et décide de partir ailleurs, au-delà de la Montagne Blanche, à la recherche d’un manuscrit irakien.
Mais cette quête du texte tant désiré va-t-elle lui donner la force de se débarrasser définitivement d’une maudite culpabilité ?
Un peu trop de descriptions
Quelques années avant le « Printemps arabe », un jeune tunisien exprime son désamour pour sa montagne blanche, son pays. Massyre, ancien gardien de chèvre devenu « un lâche qui commence à peine à comprendre sa lâcheté, sa faiblesse et son échec » (page 11).
Entre tradition et tentative de modernisation et de démocratisation, le petit Massyre poursuit son apprentissage de la vie. Au gré de son éducation, les questions apparaissent tandis que l'enfance et l'innocence s'éloignent, s'enfuient. La césure se fait, latente, larvée dans un premier temps, puis elle finit par transsuder au hasard d'une rencontre. Électrochoc, catalyseur, cette confrontation va révéler la voie à suivre, le rêve de l'adulte Massyre. La recherche de la problématique, la complexité arabo-islamique ainsi que La politique d'Aristote guident le narrateur vers un inéluctable exil.
Massyre guide son lecteur comme ses chèvres tranquillement, sans le forcer, au son des youyous, vers l'apogée de son récit et dénonçant au passage le système en place. Entre bakchichs et dénonciations, sur fond d'islamisme religieux et de communisme, Massyre refuse un poste tout tracé d'enseignant dans le lycée de la montagne Blanche. Incompris, il s'éloigne sans s'en rendre compte de ses proches, recentrant sa vie sur sa croisade.
Une biographie sur fond de révolte, de luttes internes d'un jeune intellectuel en quête de son rêve. Une quête longue et haletante sur les pas des philosophes grecs au rythme des Helix aperta de son adolescence.
Tel des « chèvres aperta », on se laisse mener patiemment dans cette Tunisie des années quatre-vingt/quatre-vingt-dix qui frémit, frissonne entre pensées islamistes et volonté de démocratisation. La lecture nous entraine dans cette campagne reculée, dans l'effervescence des souks, malgré la présence d'énumérations fastidieuses.
Merci à Catherine pour ce livre voyageur.