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Dans le quartier du Once, à Buenos Aires, trois enfants des rues, Ismael, la Enana et le petit Ajo, cambriolent de riches villas pour le compte de Guida, un ancien policier devenu agent de sécurité. Quand Guida leur propose un travail de trois mois très bien rémunéré en Uruguay, ils acceptent. Arrivés sur place, après avoir traversé clandestinement la frontière, ils découvrent qu'ils sont tombés dans un piège : enfermés dans une propriété de soixante hectares, avec des vivres pour quelques jours, ils ont pour mission de cambrioler les neuf maisons de l'endroit, alors que leurs occupants sont présents, protégés par des chiens et des gardiens armés.
Les enfants comprennent vite qu'ils n'ont pas le choix et doivent réussir s'ils veulent sortir vivants de cette immense prison dorée. Mais rien ne se passe comme prévu... Dans ce roman tragique et plein d'humanité, Lucía Puenzo montre la part d'ombre de l'Argentine à travers le destin bouleversant de ces enfants, abandonnés de tous et devenus invisibles aux yeux de la société. Lucía Puenzo est une fine portraitiste.
Macha Séry, Le Monde. Traduit de l'espagnol (Argentine) par Anne Plantagenet.
Un monde désespérément corrompu et dangereux vu à hauteur d'enfants
La Enana, Ismael et Ajo sont trois enfants des rues de Buenos Aires, âgés de seize, treize et six ans. Ils ont été recrutés et littéralement dressés par une organisation d'agents de sécurité corrompus, pour cambrioler des maisons. Leur "patron" décide de les vendre à d'autres malfrats en Uruguay, où le jeune trio doit s'attaquer à un complexe de luxueuses villas hautement protégées : une mission à hauts risques où, à la moindre anicroche, leur vie ne pèsera pas lourd.
Le sujet ne peut qu'interpeler et l'on se prend vite d'affection pour ces gamins livrés à eux-mêmes et réduits aux pires expédients pour leur survie, proies idéales pour tous les prédateurs et exploiteurs de misère, dans des pays où la corruption et le banditisme gangrènent des pans entiers de la société, et où la vie ne vaut pas toujours bien chère.
Le récit est enlevé, empreint de suspense, et extraordinairement tendre : relaté à hauteur d'enfants, il nous fait partager leurs peurs et leurs souffrances, mais aussi leur solidarité, leur capacité à profiter du présent et à s'émerveiller d'un rien malgré la violence et la crapulerie ambiantes. L'on traverse ainsi le pire d'un pas relativement léger, emporté par l'inconscience de l'enfance, inquiet et horrifié néanmoins de comment tout cela va bien pouvoir finir.
Pourtant, la fin, tout à fait désarçonnante par sa brutalité en queue de poisson, n'est pas, n'en déplaise au lecteur, ce qui compte le plus dans cette histoire : au-delà de la dénonciation des conditions de vie et de l'exploitation de ces gosses des rues, confrontés très jeunes au crime, à la violence et à la mort, l'auteur a choisi de mettre l'accent sur l'incroyable capacité de résilience de l'enfance. La peur et la faim sont là, mais jamais le désespoir, tandis que le jeu et la magie, illustrés par la petite touche de fantastique qu'a choisi d'ajouter l'auteur, restent toujours prêts à resurgir.
A ceci près que j'ai trouvé la petite fantaisie fantastique plutôt superflue et la fin insuffisamment aboutie, j'ai été séduite par ce roman captivant et agréable à lire, qui sait si bien se glisser dans la peau de ses jeunes personnages et nous faire partager leur regard sur un monde désespérément corrompu et dangereux.