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Une angoisse nous hante : être en retard. Nous vivons notre vie quotidienne, notre travail, l'éducation de nos enfants, et même nos vacances dans une telle crainte du retard que nous finissons par être en avance sur tout, par tout anticiper, et par fabriquer tant de précocité que le sentiment de vivre nous abandonne. Nous avons perdu le sentiment du temps, et avec celui-ci le sentiment de notre existence.
Ce livre nous montre qu'il n'est pourtant pas difficile à retrouver. Etre en retard, c'est faire l'école buissonnière, prendre des chemins de traverse, ne pas aller droit au but, c'est introduire d'infimes variations qui peuvent faire dérailler les rouages bien huilés de nos vies trop machinales. C'est finalement vivre. Face aux valeurs dominantes de nos sociétés modernes - fluidité, flexibilité, urgence et vitesse - et aux pathologies qui en découlent, le retard, un "laps" de temps qui nous permet de ressaisir notre condition temporelle, devient une véritable stratégie de résistance.
Hélène L'Heuillet est maître de conférences en philosophie à l'Université Paris-Sorbonne et psychanalyste. Elle a notamment publié, chez Albin Michel, Du voisinage. Réflexions sur la coexistence humaine (2016) et Tu haïras ton prochain comme toi-même. Les tentations radicales de la jeunesse (2018).
Le droit au retard.
"Se mettre en retard est devenu une véritable hantise. Si bien que tout nous porte à la précocité. Même les enfants aujourd’hui doivent se dépêcher de quitter l’enfance ; ils doivent aller vite – vite apprendre à lire, vite « maîtriser les apprentissages fondamentaux », vite aller de-ci, de-là. Avoir un enfant « précoce » est le rêve de tous les parents. Mais on pleure, quand la précocité généralisée se traduit aussi par des pubertés et des ménopauses précoces, de plus en plus fréquentes. Les nouvelles générations ont compris le message. Leur vie adulte est censée se dérouler entre 30 et 45 ans. Plus tôt, ils n’ont pas assez d’expérience pour vivre et travailler, fonder une famille et monter en grade. Ensuite, commencent les prémisses de la mise au rancard. Gare à celui qui est en retard. Est toujours tenu pour « anormal » ce qui est « attardé »."Comment sortir d'une conception gestionnaire de l'existence qui fige tout dans un éternel présent pressé? En étant, un petit peu, en retard....Façon de faire un pas de côté pour ressaisir un temps re-subjectivé, contre les injonctions actuelles à la performance, et d'inscrire sa vie dans la profondeur de la mélancolie et de la contemplation...Hélène l'Heuillet, psychanalyste, philosophe, maîtresse de conférences en philosophie politique et éthique à l’Université Paris-Sorbonne, nous y aide ici. Un essai agréable à lire, original et rafraîchissant...