Ecrire pour les jeunes publics : une conquête de la liberté

Le théâtre pour enfants au Québec et dans le monde a connu, depuis 1960, une formidable explosion. De sporadique et accessoire dans les compagnies dites pour adultes, la pratique est devenue régulière, a créé ses institutions, un répertoire, des réseaux de diffusion et des habitudes dans le milieu scolaire et dans la société. Le théâtre pour enfants existe. Par contre, les questions qui se sont posées dans les années 1960 sont toujours actuelles.
Qu'est-ce qu'on peut dire aux enfants ? Qu'est-ce qu'on ne peut pas leur dire ? Quel pouvoir réel les intermédiaires entre enfants et artistes exercent-ils sur la création ? Quelles relations l'art peut-il établir avec des enfants ? Suzanne Lebeau a cherché une réponse à une question qui a traversé son écriture depuis la rencontre des publics d'enfants : quelles seraient les conditions de la rencontre de deux intimités dans un contexte de double autorité, où l'auteur est un adulte et le spectateur un enfant ? Elle le fait en analysant les moments déterminants de son parcours d'auteure et des oeuvres qui l'ont menée de Ti-Jean voudrait ben s'marier, mais...
en 1975 à Trois petites soeurs. Trois concepts clés se sont imposés. L'autorité, dans sa double fonction (l'auteur et l'adulte devant l'enfant), est le concept qui lui a permis de nommer et de comprendre les tensions en jeu dans une pratique sans histoire et sans fondements théoriques. Deux autres concepts se sont intéressés aux conditions de la création dans un milieu sous haute surveillance. L'"empathie", qui raconte les relations établies avec les enfants avant et en cours de création, serait la première de ces conditions.
La "métaphore fondatrices", moment de cristallisation où elle plongeait dans l'entre-imaginaire de l'écriture où conscience et inconscient se répondent, en serait la deuxième.