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Tout le monde connaît la pop, la reconnaît, a un avis sur elle. Pourtant, sa singularité artistique et philosophique reste peu interrogée, comme si un tabou pesait sur cette forme musicale née au début du XXe siècle et dont le destin est lié à ses conditions techniques de production et de diffusion. Son ancrage, essentiel, dans le monde de la phonographie, est généralement interprété comme le trait honteux d'une musique qui aurait cessé d'en être tout à fait une, jusqu'à s'identifier aux "sons du capitalisme" qui déguisent en sucreries auditives les grognements de la bête immonde.
L'enregistrement et ses conséquences auraient avant tout dégradé la musique, altéré ce qui la préservait - imagine-t-on - de la standardisation, jusqu'à produire à la chaîne une forme de musique consommable, accessible à tous, universellement médiocre. Des hits d'ABBA aux hymnes de Beyoncé, la pop serait structurellement inauthentique. Dans cet ouvrage, Agnès Gayraud se penche sur la profondeur de cette musique longtemps qualifiée de "légère" et cantonnée à un statut d'objet de consommation.
Elle y déploie tous ses paradoxes, au coeur des oeuvres musicales elles-mêmes, pour révéler les ramifications esthétiques d'une richesse insoupçonnée de ce qui a peut-être été l'art musical le plus important du XXe siècle.
un art qui s'a-Muse?
Un livre plutot pointu pour les amateurs de philo et de musicologie, et musique en général, mais pas nécessairement réservé aux seuls amoureux de la pop'musique – au contraire. Et c'est là aussi sa force : il convaincra peut etre ceux qui ne l'apprécient pas , soit de se mettre à écouter réellement cette musique et, le cas échéant, l'apprécier ou pas -au moins ils auront fait une expérience instructive, soit de continuer à ne pas l'écouter mais sans la mépriser de prime abord. Il intéressera forcément toute personne se posant des questions sur l'histoire de la musique -à laquelle appartient la pop : de cela tous en seront convaincus à sa lecture.Le cœur a ses raisons et la musique n'est pas forcément raisonnable, sa reproduction peut lui faire perdre ses charmes à la longue, voire en faire une alliée efficace par son pouvoir hypnotique de la consommation en milieu hypercapitaliste, mais pas que, loin s'en faut, si nous affinons notre écoute..... Bref : un morceau de musique nous touche en vérité sans que nous sachions exactement pourquoi, et ce contact, meme si l'on n'en est pas complètement partie prenante, est toujours un miracle. Car la pop musique ne fait pas exception, et l'auteur rend merveilleusement compte de cette double vertu de la musique : objet d'analyse, d'investissement intellectuel (les références à Adorno en mode discussion abondent..), mais aussi, objet d'amour, de haine (ah..Adorno encore ..nul n'est parfait.), de recueillement individuel et de célébration collective, aux dimensions intimes aussi bien que publiques, portée par le synthétique et le naturel...
Bref, la pop musique, c'est comme la bonne musique finalement, ça fait exploser les définitions et défie l'entendement …
« La pop ne se prouve pas, elle s’éprouve. Elle file entre les doigts de l’intellect et de la connaissance. Musique non écrite, indissociable, par l’enregistrement, de la captation de l’instant, elle procure une expérience de la fugacité par excellence. Face à elle, les concepts sont toujours balourds et à la traîne. La pop intellectualisée évoque une gueule de bois au lendemain d’un samedi soir enfiévré, une fois nos corps expurgés des bienfaits de l’alcool et des vibrations du dancefloor. Alors dansons ! Écoutons ! »
« Adorno était peu susceptible d’apprécier ces musiques, encore moins de leur reconnaître une quelconque vérité esthétique. On sait combien il méprisa le jazz. Pourtant, comme en contrepoint de sa théorisation complexe de la « musique responsable », la « musique populaire légère » le préoccupa. »