Que l’on évoque suprémacisme racial et eugénisme, déportation, travail forcé et camps de la mort, génocide, et vient aussitôt à l’esprit l’état allemand nazi dirigé par Adolph Hitler. Mais qui sait que des crimes tout à fait semblables avaient déjà été perpétrés par le Deuxième Reich, au nom de la colonisation allemande en Namibie ?
En 1904, les peuples herero et nama se révoltent contre l’envahisseur allemand qui les chasse de leurs terres. Le général Lothar von Trotha signe l’ordre de les exterminer et entame une répression féroce qui conduit au massacre. Les survivants sont enfermés dans des camps de concentration, d’ailleurs pas les premiers de l’Histoire, puisque les Allemands s’inspirent alors de ceux créés quelques années plus tôt par les Britanniques en Afrique du Sud, lors de la guerre des Boers. En quelques années, entre les exécutions, les mauvais traitements et l’épuisement, la malnutrition et la maladie, quatre-vingts pour cent des autochtones disparaissent dans des conditions innommables, pendant que des médecins entament d’atroces expériences sur l’hérédité, au nom de la théorie d’« hygiène raciale » que les nazis devaient plus tard reprendre à leur compte.
Déportée en 1908 au camp de Shark Island, Esther est envoyée sur le terrible chantier du chemin de fer qui doit faciliter l’exploitation du diamant de Namibie, dont on vient de découvrir les premiers échantillons. Pendant que ses semblables tombent comme des mouches le long des voies qui traverseront le désert, elle assiste aux dernières échauffourées de la guérilla où les autochtones jettent leurs ultimes forces, avec l’espoir d’un soutien de la part des autres puissances occidentales présentes dans les pays d’Afrique voisins. Parfaitement informées mais redoutant la contagion d’une rébellion au sein de leurs propres colonies, celles-ci se garderont d’intervenir.
Sobre et implacable, le récit peint en traits d’effroi ce qu’Esther perçoit de l’épouvantable agonie de son peuple. Assommé par l’horreur, le lecteur ressent son épuisement et sa colère, mais aussi un effarement aussi choqué que consterné. Non seulement l’aberration nazie avait des racines bien plus profondes que l’on ne se l’imagine habituellement, puisqu’elle s’est développée sur des théories et des pratiques déjà mises en œuvre en Afrique une poignée de décennies plus tôt, mais le monde occidental dans son entier, avant tout préoccupé de ses propres intérêts coloniaux, a fermé les yeux sur ce qu’il ne peut prétendre avoir alors ignoré de ce qu’il se passait en Namibie.
L’on achève cette lecture profondément perturbé par la citation d’Aimé Césaire qui la conclut. Le monde ne s’est battu contre Hitler que parce que celui-ci s’est attaqué à l’homme blanc, et non parce qu’il s’est rendu coupable de crimes contre l’humanité. Ces mêmes crimes, considérés avec indifférence lorsqu’ils décimaient des "Nègres d’Afrique", ne sont devenus insupportables que lorsque les théories racialistes qui les motivaient se sont retrouvées appliquées en Europe. Comment ne pas se sentir accablé, lorsqu’à ce jour encore, la Namibie doit se contenter de la simple reconnaissance, obtenue en 2004 seulement, de la responsabilité du gouvernement allemand dans le génocide Herero, à des années lumière de la condamnation du nazisme ?
Après le néo-esclavagisme colonial des bagnes français, après l’abandon par le monde de tant de migrants à la dérive, Philippe Cuisset a choisi pour son troisième roman une cause encore une fois particulièrement terrible et bouleversante, et, pour le coup, totalement méconnue. Une lecture édifiante, dont on sort ébranlé.
Que l’on évoque suprémacisme racial et eugénisme, déportation, travail forcé et camps de la mort, génocide, et vient aussitôt à l’esprit l’état allemand nazi dirigé par Adolph Hitler. Mais qui sait que des crimes tout à fait semblables avaient déjà été perpétrés par le Deuxième Reich, au nom de la colonisation allemande en Namibie ?
En 1904, les peuples herero et nama se révoltent contre l’envahisseur allemand qui les chasse de leurs terres. Le général Lothar von Trotha signe l’ordre de les exterminer et entame une répression féroce qui conduit au massacre. Les survivants sont enfermés dans des camps de concentration, d’ailleurs pas les premiers de l’Histoire, puisque les Allemands s’inspirent alors de ceux créés quelques années plus tôt par les Britanniques en Afrique du Sud, lors de la guerre des Boers. En quelques années, entre les exécutions, les mauvais traitements et l’épuisement, la malnutrition et la maladie, quatre-vingts pour cent des autochtones disparaissent dans des conditions innommables, pendant que des médecins entament d’atroces expériences sur l’hérédité, au nom de la théorie d’« hygiène raciale » que les nazis devaient plus tard reprendre à leur compte.
Déportée en 1908 au camp de Shark Island, Esther est envoyée sur le terrible chantier du chemin de fer qui doit faciliter l’exploitation du diamant de Namibie, dont on vient de découvrir les premiers échantillons. Pendant que ses semblables tombent comme des mouches le long des voies qui traverseront le désert, elle assiste aux dernières échauffourées de la guérilla où les autochtones jettent leurs ultimes forces, avec l’espoir d’un soutien de la part des autres puissances occidentales présentes dans les pays d’Afrique voisins. Parfaitement informées mais redoutant la contagion d’une rébellion au sein de leurs propres colonies, celles-ci se garderont d’intervenir.
Sobre et implacable, le récit peint en traits d’effroi ce qu’Esther perçoit de l’épouvantable agonie de son peuple. Assommé par l’horreur, le lecteur ressent son épuisement et sa colère, mais aussi un effarement aussi choqué que consterné. Non seulement l’aberration nazie avait des racines bien plus profondes que l’on ne se l’imagine habituellement, puisqu’elle s’est développée sur des théories et des pratiques déjà mises en œuvre en Afrique une poignée de décennies plus tôt, mais le monde occidental dans son entier, avant tout préoccupé de ses propres intérêts coloniaux, a fermé les yeux sur ce qu’il ne peut prétendre avoir alors ignoré de ce qu’il se passait en Namibie.
L’on achève cette lecture profondément perturbé par la citation d’Aimé Césaire qui la conclut. Le monde ne s’est battu contre Hitler que parce que celui-ci s’est attaqué à l’homme blanc, et non parce qu’il s’est rendu coupable de crimes contre l’humanité. Ces mêmes crimes, considérés avec indifférence lorsqu’ils décimaient des "Nègres d’Afrique", ne sont devenus insupportables que lorsque les théories racialistes qui les motivaient se sont retrouvées appliquées en Europe. Comment ne pas se sentir accablé, lorsqu’à ce jour encore, la Namibie doit se contenter de la simple reconnaissance, obtenue en 2004 seulement, de la responsabilité du gouvernement allemand dans le génocide Herero, à des années lumière de la condamnation du nazisme ?
Après le néo-esclavagisme colonial des bagnes français, après l’abandon par le monde de tant de migrants à la dérive, Philippe Cuisset a choisi pour son troisième roman une cause encore une fois particulièrement terrible et bouleversante, et, pour le coup, totalement méconnue. Une lecture édifiante, dont on sort ébranlé.