Dans une fiction d’inspiration largement autobiographique, Eric Fottorino fait revivre ses fantômes d’une façon toute modianesque, pour un hommage à fleur de peau à la littérature et à la liberté d’expression au travers d’une très passionnée attachée de presse éditoriale et d’un écrivain algérien devenu la cible des fanatiques religieux dénoncés dans ses livres.
Le jeune narrateur Jean Foscolani, dit Fosco presque comme Fotto, est aux anges de voir son premier livre publié par les éditions du Losange. Il est emporté dans le tourbillon festif et mondain de Clara, l’attaché de presse déterminée à en faire la coqueluche de la rentrée littéraire. Cette femme solaire et insomniaque qui semble ne se nourrir que de la fumée de ses cigarettes, de champagne et de littérature, mène sa vie tambour battant, noyant de vieilles blessures dans sa passion pour les livres et leurs auteurs. Une relation amoureuse agitée la lie à Saïd, un écrivain algérien contraint à l’exil sous protection policière, que la violence et la peur font sombrer toujours plus profond dans l’alcool et le désespoir.
Avec la tendresse grave et nostalgique du témoin qui se retourne quelque trente ans plus tard sur ce qui fut son épiphanie d’écrivain, mais aussi une tragédie vécue dans une impuissance déférente et triste puisque Clara et Saïd – dans la vie réelle Chantal Lapicque, attachée de presse chez Stock, et Rachid Mimouni, écrivain censuré en Algérie et traqué par les islamistes – ne devaient pas tenir très longtemps à ce rythme, Fosco raconte sa fascination pour ce duo de fortes et brillantes personnalités qui, inventant contre leurs douleurs un espace littéraire et intellectuel comme échappé des contingences du monde, lui ont ouvert les portes du microcosme littéraire parisien en même temps que d’une carrière pleine de reconnaissance.
Et puis Fosco, comme Fotto, doit lui aussi composer avec ses propres souffrances et sa quête identitaire, sa mère refusant de lui délivrer sur son père plus que la seule information de son origine nord-africaine, comme Saïd. Avec la pudeur et la délicatesse des « gens sensibles », l’on pourrait même dire ici écorchés vifs, l’auteur raconte le pouvoir de l’écriture et la littérature comme espace de liberté, de découverte de soi et d’orpaillage de la vraie vie. Et, puisqu’ « on écrit pour pouvoir se taire », lui sait qu’en devenant écrivain, il a « choisi [s]a naissance. » Il est devenu « l’enfant de [s]es livres », qui ne « racont[e] pas [s]a vie », mais « l’invent[e] en l’écrivant. »
Autofiction fine et pudique, ce roman est le récit touchant d’une naissance à l’écriture et, à travers elle, d’une naissance à la vie, doublé d’un formidable hommage à celle qui, vouant son existence à ses auteurs, en a été l’accoucheuse. La littérature se fait ici espace vital, au sens propre comme au figuré. Salvatrice pour Fosco-Fotto et ses interrogations identitaires, elle était pour Saïd et Rachid Mimouni, comme elle l’est encore aujourd’hui pour tant d’auteurs persécutés, Boualem Sansal ou Kamel Daoud pour l’Algérie, mais aussi Ahmet Altan en Turquie par exemple, l’ultime refuge d’une liberté bafouée.
Dans une fiction d’inspiration largement autobiographique, Eric Fottorino fait revivre ses fantômes d’une façon toute modianesque, pour un hommage à fleur de peau à la littérature et à la liberté d’expression au travers d’une très passionnée attachée de presse éditoriale et d’un écrivain algérien devenu la cible des fanatiques religieux dénoncés dans ses livres.
Le jeune narrateur Jean Foscolani, dit Fosco presque comme Fotto, est aux anges de voir son premier livre publié par les éditions du Losange. Il est emporté dans le tourbillon festif et mondain de Clara, l’attaché de presse déterminée à en faire la coqueluche de la rentrée littéraire. Cette femme solaire et insomniaque qui semble ne se nourrir que de la fumée de ses cigarettes, de champagne et de littérature, mène sa vie tambour battant, noyant de vieilles blessures dans sa passion pour les livres et leurs auteurs. Une relation amoureuse agitée la lie à Saïd, un écrivain algérien contraint à l’exil sous protection policière, que la violence et la peur font sombrer toujours plus profond dans l’alcool et le désespoir.
Avec la tendresse grave et nostalgique du témoin qui se retourne quelque trente ans plus tard sur ce qui fut son épiphanie d’écrivain, mais aussi une tragédie vécue dans une impuissance déférente et triste puisque Clara et Saïd – dans la vie réelle Chantal Lapicque, attachée de presse chez Stock, et Rachid Mimouni, écrivain censuré en Algérie et traqué par les islamistes – ne devaient pas tenir très longtemps à ce rythme, Fosco raconte sa fascination pour ce duo de fortes et brillantes personnalités qui, inventant contre leurs douleurs un espace littéraire et intellectuel comme échappé des contingences du monde, lui ont ouvert les portes du microcosme littéraire parisien en même temps que d’une carrière pleine de reconnaissance.
Et puis Fosco, comme Fotto, doit lui aussi composer avec ses propres souffrances et sa quête identitaire, sa mère refusant de lui délivrer sur son père plus que la seule information de son origine nord-africaine, comme Saïd. Avec la pudeur et la délicatesse des « gens sensibles », l’on pourrait même dire ici écorchés vifs, l’auteur raconte le pouvoir de l’écriture et la littérature comme espace de liberté, de découverte de soi et d’orpaillage de la vraie vie. Et, puisqu’ « on écrit pour pouvoir se taire », lui sait qu’en devenant écrivain, il a « choisi [s]a naissance. » Il est devenu « l’enfant de [s]es livres », qui ne « racont[e] pas [s]a vie », mais « l’invent[e] en l’écrivant. »
Autofiction fine et pudique, ce roman est le récit touchant d’une naissance à l’écriture et, à travers elle, d’une naissance à la vie, doublé d’un formidable hommage à celle qui, vouant son existence à ses auteurs, en a été l’accoucheuse. La littérature se fait ici espace vital, au sens propre comme au figuré. Salvatrice pour Fosco-Fotto et ses interrogations identitaires, elle était pour Saïd et Rachid Mimouni, comme elle l’est encore aujourd’hui pour tant d’auteurs persécutés, Boualem Sansal ou Kamel Daoud pour l’Algérie, mais aussi Ahmet Altan en Turquie par exemple, l’ultime refuge d’une liberté bafouée.