Dans son château de Sancerre, Victor des Ulmières attend la mort. Entouré d'une joyeuse bande de danseurs et musiciens baroques, il passe ses derniers instants à se repaître de leur jeunesse et à remonter le fil de ses souvenirs : les cures thermales avec sa mère, le désamour de son père, son amour passionné pour sa soeur Aimée, sa haine pour son frère Vivien, son amitié avec Valerio, un écrivain, ses tentatives pour faire carrière dans le journalisme ou l'écriture, les femmes et les hommes qui ont traversé sa vie... Pourtant, l'octogénaire n'est pas malade. Mais il sait qu'il
va mourir de la main de Serge, son protégé, son fils spirituel, celui dont il voulait faire son héritier avant qu'une haine féroce ne vienne s'en mêler.
Une vie parfaite ? Certainement pas! Plutôt l'existence frivole d'un aristocrate décadent et oisif, solitaire, égoïste et incestueux. Il est bien difficile de s'attacher à cet homme blasé qui a goûté à tout (hommes, femmes, drogues, ...) sans s'attacher à rien ni personne. Ses souvenirs décousus d'une vie vide de sens, sans amour, sans amis, brossent un tableau sans relief et sans réel intérêt. Dérangeant parce que franc, Victor des Ulmières se livre sans concessions, sans omettre ses pires bassesses, ses aversions, ses trahisons. Ruminant son passé, il ne se justifie pas, ne s'excuse pas, ne trouve pas grâce aux yeux du lecteur qui subit cet étalage souvent gênant. Personnage omniprésent mais sans charisme, le vieil homme finit par lasser ou agacer. Heureusement, l'écriture de Camille de VILLENEUVE sauve le livre du naufrage et de l'ennui. Distancée mais lumineuse, elle fait preuve de belles qualités littéraires et incite à aller jusqu'au bout de cette histoire désordonnée.
Une seule issue
J’ai découvert Camille de Villeneuve avec son premier roman, Les insomniaques, une vaste saga d’une famille d’aristocrates sur quatre générations. J’avais beaucoup apprécié le style fluide de l’auteur mais regretté l’absence d’une vraie intrigue pour cimenter ce long récit et passionner le lecteur.
C’est donc assez naturellement que je me suis intéressée à son nouveau roman. Le style est toujours aussi agréable et le contexte aussi aristocratique.
Victor, héritier de la grande famille des Ulmières vit dans son château de Sancerre les derniers jours de sa vie. Il a quatre vingt ans et sait qu’il va mourir. Non pas de maladie, il a plutôt bon pied, bon œil. Mais sa mort semble programmée.
Après s’être battu avec Serge, le fils d’un de ses ouvriers qu’il a pris sous son aile et dont il voulait faire son héritier, Victor attend au château le dénouement de cette haine nouvelle du jeune homme qui connaît depuis peu les anciennes relations de sa mère et du vieil homme.
En attendant, il regarde et écoute cette troupe de jeunes musiciens et danseuses qu’il a invitée en sa demeure. Et se rappelle les moments de sa jeunesse et de sa vie.
Toutefois, est-ce la perspective funeste de ce dernier jour qui semble l’emmener vers les pensées les plus sombres ou cet homme n’est-il qu’un être détestable?
Des grands-parents ou parents, il évoque les enterrements, les différents. Privé de l’affection de son père à la rigueur militaire qui lui préfère son jeune frère Vivien né tardivement, il voue une affection incestueuse à sa sœur Aimée. Il se vengera d’ailleurs assez bassement de ce frère devenu photographe reporter.
Même si les allusions sont légères, Victor a une vie amoureuse assez mouvementée. Sans femme, ni enfants, il a eu de nombreuses aventures avec les femmes des autres. Il a entretenu très longtemps Valerio, un écrivain hypocondriaque sans grand talent. Agé, il aime se promener nu et regarder de très jeunes femmes ou hommes.
L’auteur parvient de manière très diffuse à vous faire détester ce personnage pour ses penchants et ses basses actions.
Mais si je ne peux reprocher à l’auteur de savoir créer un personnage suffisamment vil, je regrette que l’intrigue qui cette fois est bien présente et intéressante, se noie dans un trop grand nombre de souvenirs lassants. Nul besoin de nous emmener en Syrie, en Afrique, en Espagne, au milieu des bombes ou des cannibales, de nous décrire des actes historiques cruels ou des repas d’une grande banalité pour nous faire comprendre la "vie parfaite" de cet homme vieillissant.
Les réminiscences trop nombreuses m’ont détachée du cœur de l’intrigue. Ce qui, ajouté, à l’inimitié envers le personnage, me laisse un sentiment assez négatif de cette lecture.