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De ces deux frères, Franky et Ti Tony, l'un est attaché aux mots et aux figures de style quand l'autre, pragmatique, se fie à la magouille pour survivre dans les quartiers déshérités de Port-au-Prince. Et le fait que leur mère leur dise depuis toujours qu'ils sont les descendants d'Antoine des Gommiers, ce devin magnifié par des générations d'Haïtiens, n'adoucit pas leur misère mais pourrait peut-être en modifier les perspectives pour celui qui veut croire à ces histoires.
La réalité de leur existence, c'est Ti Tony qui la décrit. Franky, lui, préfère reconstituer le passé. Il s'est rendu un jour aux Gommiers, sur les traces de l'ancêtre supposé, et il réinvente depuis par l'écriture cet Antoine extraordinaire. Mais avec quelle arme ou quelle faiblesse se construit- on une intériorité, ici, en Haïti, ou ailleurs ? Et quelle est la couleur de la grâce, celle de l'amour, si ce n'est celle que les conteurs et autres rêveurs portent à l'infini ? Ce roman est l'un des plus beaux, l'un des plus poétiques de Lyonel Trouillot.
Antoine des Gommiers
Dans les corridors de port au prince, suintés de misère et de violences, deux frères soudés, que tout oppose, tracent à leur manière les contours et le sens d'une existence tapissée de poussières.
L'un imagine des lendemains dans les mots et les souvenirs fantasmés d'un aïeul divin et légendaire, l'autre dans l'urgence et les magouilles du qui-vive du quotidien.
«Antoine des Gommiers» est une fable, un conte où les rêves s'arrachent à la noirceur du quotidien, où les senteurs du passé s'entrechoquent aux odeurs du présent.
C'est un instant de lecture flamboyant pour dire Haïti, ses identités contrastées, les chemins chaotiques qu'on dessine pour transcender les ombres du réel.
Une histoire de mots, de voix.
Une histoire d'amours, à son île et la littérature, dans les dédales poétiques de la débrouille et les bruits lancinant des tap-tap de la capitale.
Le regard acéré, pétri de tendresse et de parfums, Lyonel Trouillot, engagé, infatigable bateleur de langue et d'imaginaire, convoque le tragique et la fantasmagorie d'une société dans un hommage magnifique au petit peuple haïtien.