Prix Deux Magots
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  • Nombre de pages512
  • PrésentationBroché
  • FormatPoche
  • Poids0.257 kg
  • Dimensions10,8 cm × 17,8 cm × 2,0 cm
  • ISBN978-2-07-305014-4
  • EAN9782073050144
  • Date de parution13/03/2025
  • CollectionFolio
  • ÉditeurFolio

Résumé

"Semblable à une sainte qui ne demande rien, ni merci ni regard, elle ne voit que la lumière qui saille de son génie de frère. Elle est le seul pilier du temple qu'elle lui bâtit. Il souffre, elle soigne. Il geint, elle l'aide. Il doute, elle veille. Quand ses yeux ne vont plus, elle lui prête les siens. Elle a la certitude d'être née pour cela : se vouer corps et âme à son avènement." Elisabeth Förster fut l'unique soeur de Friedrich Nietzsche.
De deux ans sa cadette, elle fut sa première admiratrice. Tôt, elle se promet de tout faire pour que brille l'oeuvre de ce frère à l'esprit aussi éblouissant que fragile. Mais, dans un monde où la pensée antisémite gagne chaque jour en adeptes, comment faire reconnaître le travail d'un obscur philosophe qui proclame la mort de Dieu ? De sa plume virtuose, Guy Boley retrace leurs vies mêlées. Amour, jalousie, ambition, furie : un drame shakespearien, dont la vérité glace et le souffle subjugue.
"Semblable à une sainte qui ne demande rien, ni merci ni regard, elle ne voit que la lumière qui saille de son génie de frère. Elle est le seul pilier du temple qu'elle lui bâtit. Il souffre, elle soigne. Il geint, elle l'aide. Il doute, elle veille. Quand ses yeux ne vont plus, elle lui prête les siens. Elle a la certitude d'être née pour cela : se vouer corps et âme à son avènement." Elisabeth Förster fut l'unique soeur de Friedrich Nietzsche.
De deux ans sa cadette, elle fut sa première admiratrice. Tôt, elle se promet de tout faire pour que brille l'oeuvre de ce frère à l'esprit aussi éblouissant que fragile. Mais, dans un monde où la pensée antisémite gagne chaque jour en adeptes, comment faire reconnaître le travail d'un obscur philosophe qui proclame la mort de Dieu ? De sa plume virtuose, Guy Boley retrace leurs vies mêlées. Amour, jalousie, ambition, furie : un drame shakespearien, dont la vérité glace et le souffle subjugue.

Avis libraires
Commentaires laissés par les libraires

1 Coup de cœur
de nos libraires
Lou B. - 3Decitre Confluence
4/5
Naissance de la tragédie
Un bel et grand roman sur le génie, l'amour fraternel et la trahison, mais surtout sur la vie de Nietzsche, qui, sans sa sœur, aurait peut être perdu en notoriété, mais aurait sans doute moins souffert. Une femme tout à la fois Fidèle et Traîtresse, Bonne et Machiavélique. Comme disait le philosophe "Malheur à moi, qui suis une nuance !", et que dire d'autre de ces deux êtres si cohérents et ambigus, qui se sont tant aimés et tant déchirés. La très belle écriture de Guy Boley nous berce tout du long de ce roman vrai, tragique, et d'une richesse folle !
Un bel et grand roman sur le génie, l'amour fraternel et la trahison, mais surtout sur la vie de Nietzsche, qui, sans sa sœur, aurait peut être perdu en notoriété, mais aurait sans doute moins souffert. Une femme tout à la fois Fidèle et Traîtresse, Bonne et Machiavélique. Comme disait le philosophe "Malheur à moi, qui suis une nuance !", et que dire d'autre de ces deux êtres si cohérents et ambigus, qui se sont tant aimés et tant déchirés. La très belle écriture de Guy Boley nous berce tout du long de ce roman vrai, tragique, et d'une richesse folle !

Avis des lecteurs
Commentaires laissés par nos lecteurs

5/5
sur 2 notes dont 2 avis lecteurs
Passionnant et merveilleusement écrit
Après deux romans très remarqués, Guy Boley met l’envoûtante magie de sa plume au service d’une biographie passionnante qui retrace le terrible lien qui unit Friedrich Nietzsche, le philosophe devenu fou, à sa machiavélique et manipulatrice sœur Elisabeth. En cette seconde moitié du XIXe siècle en Prusse, Friedrich est un génie enfermé dans un corps débile. Alors, pour lui permettre d’écrire et d’accéder à la gloire, sa sœur, longtemps célibataire, lui sert d’infirmière, de secrétaire, presque de moitié tant leur relation est fusionnelle. Mais, à près de quarante ans, rompant violemment avec son frère, Elisabeth épouse un agitateur antisémite d’extrême droite et le suit au Paraguay, où le couple entend fonder une colonie de « pure race aryenne ». L’expérience est un désastre dont Elisabeth revient veuve et transformée. Puisque son frère, entre-temps victime d’un effondrement psychique, n’est plus qu’une ombre bavante et délirante, c’est désormais elle qui prendra les rênes de la maison Nietzsche, manoeuvrant pour récupérer la tutelle de l’aliéné et, tout en l’abrutissant de calmants, s’activant à détourner à son profit les bénéfices de sa célébrité montante. Rien ne l’arrêtera dans sa campagne de promotion à tout crin, pas même, entre autres opérations mercantiles, la vente de billets permettant, comme au zoo, d’observer le fou sédaté dans son lit, ou encore la dénaturation d’une œuvre à laquelle elle n’entend goutte mais qu’elle « élague, taille et tranche, tel Boileau dans son Art poétique : Ajoutez quelquefois et souvent effacez », allant jusqu’à en inciter les récupérations antisémites dans une manipulation destinée à flatter les idéologues conservateurs, puis nazis. La « sœur et unique », autrefois dévouée et adorée, s’avère une gorgone sans vergogne, prête à toutes les manipulations et compromissions pour s’assurer grand train et s’ouvrir la fréquentation des puissants, fussent-ils jusqu’à Hitler lui-même. Heureusement, des copies de textes et de lettres resurgiront après sa mort, qui permettront de rétablir des vérités. Le mal est pourtant fait : si Nietzsche est aujourd’hui « l’un des auteurs les plus étudiés, commentés, analysés, disséqués », il reste « aussi l’un des plus controversés », maudit ou sanctifié, affublé de bien des traits qu’il n’eut jamais, lui qui s’en doutait puisqu’il écrivit « Malheur à moi qui suis une nuance. » Soigneusement documenté, ce roman historique autour d’un duo hors norme est absolument étonnant et captivant. Il chatoie aussi du lyrisme volontiers grandiloquent, âprement ironique, d’une plume ciselée, aux tournures somptueuses, que l’on savoure en un de ces plaisirs de langue rares et infinis qui, lorsqu’ils vous ont enchantés, vous laissent impatients de parcourir toute l’oeuvre, passée et à venir, de l’auteur. Immense coup de coeur pour ce livre couronné du Prix des Deux Magots 2023.
Après deux romans très remarqués, Guy Boley met l’envoûtante magie de sa plume au service d’une biographie passionnante qui retrace le terrible lien qui unit Friedrich Nietzsche, le philosophe devenu fou, à sa machiavélique et manipulatrice sœur Elisabeth. En cette seconde moitié du XIXe siècle en Prusse, Friedrich est un génie enfermé dans un corps débile. Alors, pour lui permettre d’écrire et d’accéder à la gloire, sa sœur, longtemps célibataire, lui sert d’infirmière, de secrétaire, presque de moitié tant leur relation est fusionnelle. Mais, à près de quarante ans, rompant violemment avec son frère, Elisabeth épouse un agitateur antisémite d’extrême droite et le suit au Paraguay, où le couple entend fonder une colonie de « pure race aryenne ». L’expérience est un désastre dont Elisabeth revient veuve et transformée. Puisque son frère, entre-temps victime d’un effondrement psychique, n’est plus qu’une ombre bavante et délirante, c’est désormais elle qui prendra les rênes de la maison Nietzsche, manoeuvrant pour récupérer la tutelle de l’aliéné et, tout en l’abrutissant de calmants, s’activant à détourner à son profit les bénéfices de sa célébrité montante. Rien ne l’arrêtera dans sa campagne de promotion à tout crin, pas même, entre autres opérations mercantiles, la vente de billets permettant, comme au zoo, d’observer le fou sédaté dans son lit, ou encore la dénaturation d’une œuvre à laquelle elle n’entend goutte mais qu’elle « élague, taille et tranche, tel Boileau dans son Art poétique : Ajoutez quelquefois et souvent effacez », allant jusqu’à en inciter les récupérations antisémites dans une manipulation destinée à flatter les idéologues conservateurs, puis nazis. La « sœur et unique », autrefois dévouée et adorée, s’avère une gorgone sans vergogne, prête à toutes les manipulations et compromissions pour s’assurer grand train et s’ouvrir la fréquentation des puissants, fussent-ils jusqu’à Hitler lui-même. Heureusement, des copies de textes et de lettres resurgiront après sa mort, qui permettront de rétablir des vérités. Le mal est pourtant fait : si Nietzsche est aujourd’hui « l’un des auteurs les plus étudiés, commentés, analysés, disséqués », il reste « aussi l’un des plus controversés », maudit ou sanctifié, affublé de bien des traits qu’il n’eut jamais, lui qui s’en doutait puisqu’il écrivit « Malheur à moi qui suis une nuance. » Soigneusement documenté, ce roman historique autour d’un duo hors norme est absolument étonnant et captivant. Il chatoie aussi du lyrisme volontiers grandiloquent, âprement ironique, d’une plume ciselée, aux tournures somptueuses, que l’on savoure en un de ces plaisirs de langue rares et infinis qui, lorsqu’ils vous ont enchantés, vous laissent impatients de parcourir toute l’oeuvre, passée et à venir, de l’auteur. Immense coup de coeur pour ce livre couronné du Prix des Deux Magots 2023.
Ainsi parlait Elisabeth...
Ah, quel malheur d’avoir une sœur, aurait dû écrire le chansonnier Emile Carré, au lieu de s’en prendre au gendre, d’autant que Nietzsche n’en avait pas. Une sœur, en revanche, il en avait bien une, le grand philosophe allemand. Elle lui en fait voir des grises, et il en a fallu, du temps, pour réparer toutes ses sottises. Passée en quelques années de sœur adorée à traîtresse cupide, elle fut assez maligne pour amasser pendant des années de l’argent sur le talent de son frère, mais resta trop bête pour la philosophie- sur laquelle elle faisait pourtant ses affaires- qui aurait dû la renseigner sur l’insignifiance des choses humaines, que les dieux de là-haut règlent à coups de dés en buvant des bières. Un de leurs messagers, Guy Boley, est venu en cette rentrée nous le rappeler, dans A ma sœur et unique (Grasset), somptueuse fiction biographique, philosophique et poétique retraçant la relation passionnée ayant uni Friedrich Nietzsche à sa sœur Elisabeth, d’abord Nietzsche, puis Förster, et enfin Förster-Nietzsche. La première adulait son frère, au point qu’elle s’en alla vivre avec lui plusieurs années pour alléger ses souffrances continues, à la tête et aux yeux ; d’écrire sous sa dictée quand il n’en pouvait plus, et, plus prosaïquement, de faire ses courses, son repassage, toutes ces « choses de ragoût circonstanciel », comme Friedrich aimait à qualifier les indispensables banalités de la vie, celles qui relient les génies aux autres. Là était sa mission, être la sœur du plus grand philosophe allemand que l’Histoire a vu naître. Être un bon « lama » - surnom que Nietzsche lui donna à l’adolescence – au départ, pensait-on, en raison de la capacité de cet animal à porter sans broncher les charges les plus lourdes. Mais la deuxième Elisabeth, nommée Förster, s’est chargée de nous rappeler que le lama a tendance à cracher sur ceux qu’il n’aime pas. Elle s’exercera d’abord sur les Juifs, peut-on écrire par amour, puisqu’ils étaient les ennemis jurés de son mari, Bernhard Förster, un enseignant et essayiste obsédé par la pureté du sang germanique, qui s’en alla créer, en 1883, une colonie au Paraguay, base régénérée d’une nouvelle Allemagne. Il y aurait de quoi sourire, si un autre n’avait pas, au pouvoir cinquante ans plus tard, appliqué le principe à une plus large échelle. Commence, dès lors, le dégoût que Friedrich Nietzsche éprouve à l’idée « d’être parent d’une si pitoyable créature », comme il l’écrit un jour à leur mère commune. L’aventure uruguayenne tourne au fiasco, empêtrés que sont ces roi et reine de marécages dans l’incompétence et l’orgueil, au point que Bernhard prend le parti, en 1889, de se donner la mort, avant que les colons venus avec lui ne s’en chargent. Veuve, Elisabeth doit fuir en vitesse ce terrain hostile, mais le destin lui réserve une surprise. Son frère, dont la réputation de penseur de demain se répand doucement dans les cercles philosophiques, s’est effondré en début d’année à Turin. Il n’est plus qu’une ombre pathétique, hurlant dans les couloirs de l’asile de Iéna qu’il veut du chocolat Van Houten. Il faut l’en sortir, et vite, afin de lancer un nouveau projet qui ne pourra cette fois pas échouer, puisque le cerveau a changé. Un dessein incarné dans le dernier nom de famille porté par ce drôle de lama, Förster-Nietzsche, intrigant mélange de l’échec d’un mari et de la promesse d’un frère, tiret indispensable à la création d’un nouveau monde, où la pensée de Nietzsche et celle des antisémites s’uniraient pour la gloire de l’Allemagne, et celle d’Elisabeth. Pourtant, Nietzsche ne l’est pas, antisémite. Sinon, aurait-il écrit que l’on doit au peuple juif « l’homme le plus noble (le Christ), le sage le plus pur (Spinoza), le Livre le plus puissant et la Loi morale la plus efficiente » ? Mais les ciseaux, le feu et les mauvaises intentions servent bien à quelque chose, et Elisabeth va s’armer des trois afin de composer une œuvre qui lui sied, un peu comme si elle l’avait écrite elle, dans une vie où elle aurait eu du talent. Pendant ce temps, Dieu n’est pas mort, il est allongé au premier étage de la maison familiale, et l’on peut même lui rendre visite, moyennant une obole. Au sein des « Nietzsche-Archiv », le centre créé par Elisabeth à la gloire de son frère, tout est payant. Il faut bien financer les procès qu’elle intente à ceux qui refusent de lui donner jusqu’au dernier écrit de son frère. Imaginez que l’on découvre ce que Nietzsche pensait d’elle, ou pire, des textes qui entreraient en contradiction avec les œuvres remaniées par ses ciseaux. Mais là n’est pas encore évoquée l’histoire la plus malheureuse. Elle arrive, bien des années après la mort du philosophe, quand cette sœur increvable, à près de 85 ans, vendra l’âme de son frère à l’homme que son défunt mari aurait adoré, s’il avait été moins pressé, Adolf Hitler. Le « surhomme » de Nietzsche semble bien justifier qu’il y en ait des « sous », d’hommes, et peu importe de le lire pour de vrai, il suffit de l’afficher avec des grands mots. « La Volonté de puissance », livre publié par Elisabeth à partir des notes falsifiées du philosophe, sonne bien à celui qui veut conquérir l’Europe. Wagner et Nietzsche, les deux anciens amis brouillés en raison de l’antisémitisme viscéral du premier, désormais au panthéon de l’idéologie nazie. Mais la mort rebat toujours les cartes, et la vie posthume s’apparente à une nouvelle naissance, où chacun retrouve sa place. Elisabeth et Adolf dans les limbes, Friedrich au sommet des plus hautes montagnes, là où on se rit des tragédies. Jean-Clément Martin-Borella
Ah, quel malheur d’avoir une sœur, aurait dû écrire le chansonnier Emile Carré, au lieu de s’en prendre au gendre, d’autant que Nietzsche n’en avait pas. Une sœur, en revanche, il en avait bien une, le grand philosophe allemand. Elle lui en fait voir des grises, et il en a fallu, du temps, pour réparer toutes ses sottises. Passée en quelques années de sœur adorée à traîtresse cupide, elle fut assez maligne pour amasser pendant des années de l’argent sur le talent de son frère, mais resta trop bête pour la philosophie- sur laquelle elle faisait pourtant ses affaires- qui aurait dû la renseigner sur l’insignifiance des choses humaines, que les dieux de là-haut règlent à coups de dés en buvant des bières. Un de leurs messagers, Guy Boley, est venu en cette rentrée nous le rappeler, dans A ma sœur et unique (Grasset), somptueuse fiction biographique, philosophique et poétique retraçant la relation passionnée ayant uni Friedrich Nietzsche à sa sœur Elisabeth, d’abord Nietzsche, puis Förster, et enfin Förster-Nietzsche. La première adulait son frère, au point qu’elle s’en alla vivre avec lui plusieurs années pour alléger ses souffrances continues, à la tête et aux yeux ; d’écrire sous sa dictée quand il n’en pouvait plus, et, plus prosaïquement, de faire ses courses, son repassage, toutes ces « choses de ragoût circonstanciel », comme Friedrich aimait à qualifier les indispensables banalités de la vie, celles qui relient les génies aux autres. Là était sa mission, être la sœur du plus grand philosophe allemand que l’Histoire a vu naître. Être un bon « lama » - surnom que Nietzsche lui donna à l’adolescence – au départ, pensait-on, en raison de la capacité de cet animal à porter sans broncher les charges les plus lourdes. Mais la deuxième Elisabeth, nommée Förster, s’est chargée de nous rappeler que le lama a tendance à cracher sur ceux qu’il n’aime pas. Elle s’exercera d’abord sur les Juifs, peut-on écrire par amour, puisqu’ils étaient les ennemis jurés de son mari, Bernhard Förster, un enseignant et essayiste obsédé par la pureté du sang germanique, qui s’en alla créer, en 1883, une colonie au Paraguay, base régénérée d’une nouvelle Allemagne. Il y aurait de quoi sourire, si un autre n’avait pas, au pouvoir cinquante ans plus tard, appliqué le principe à une plus large échelle. Commence, dès lors, le dégoût que Friedrich Nietzsche éprouve à l’idée « d’être parent d’une si pitoyable créature », comme il l’écrit un jour à leur mère commune. L’aventure uruguayenne tourne au fiasco, empêtrés que sont ces roi et reine de marécages dans l’incompétence et l’orgueil, au point que Bernhard prend le parti, en 1889, de se donner la mort, avant que les colons venus avec lui ne s’en chargent. Veuve, Elisabeth doit fuir en vitesse ce terrain hostile, mais le destin lui réserve une surprise. Son frère, dont la réputation de penseur de demain se répand doucement dans les cercles philosophiques, s’est effondré en début d’année à Turin. Il n’est plus qu’une ombre pathétique, hurlant dans les couloirs de l’asile de Iéna qu’il veut du chocolat Van Houten. Il faut l’en sortir, et vite, afin de lancer un nouveau projet qui ne pourra cette fois pas échouer, puisque le cerveau a changé. Un dessein incarné dans le dernier nom de famille porté par ce drôle de lama, Förster-Nietzsche, intrigant mélange de l’échec d’un mari et de la promesse d’un frère, tiret indispensable à la création d’un nouveau monde, où la pensée de Nietzsche et celle des antisémites s’uniraient pour la gloire de l’Allemagne, et celle d’Elisabeth. Pourtant, Nietzsche ne l’est pas, antisémite. Sinon, aurait-il écrit que l’on doit au peuple juif « l’homme le plus noble (le Christ), le sage le plus pur (Spinoza), le Livre le plus puissant et la Loi morale la plus efficiente » ? Mais les ciseaux, le feu et les mauvaises intentions servent bien à quelque chose, et Elisabeth va s’armer des trois afin de composer une œuvre qui lui sied, un peu comme si elle l’avait écrite elle, dans une vie où elle aurait eu du talent. Pendant ce temps, Dieu n’est pas mort, il est allongé au premier étage de la maison familiale, et l’on peut même lui rendre visite, moyennant une obole. Au sein des « Nietzsche-Archiv », le centre créé par Elisabeth à la gloire de son frère, tout est payant. Il faut bien financer les procès qu’elle intente à ceux qui refusent de lui donner jusqu’au dernier écrit de son frère. Imaginez que l’on découvre ce que Nietzsche pensait d’elle, ou pire, des textes qui entreraient en contradiction avec les œuvres remaniées par ses ciseaux. Mais là n’est pas encore évoquée l’histoire la plus malheureuse. Elle arrive, bien des années après la mort du philosophe, quand cette sœur increvable, à près de 85 ans, vendra l’âme de son frère à l’homme que son défunt mari aurait adoré, s’il avait été moins pressé, Adolf Hitler. Le « surhomme » de Nietzsche semble bien justifier qu’il y en ait des « sous », d’hommes, et peu importe de le lire pour de vrai, il suffit de l’afficher avec des grands mots. « La Volonté de puissance », livre publié par Elisabeth à partir des notes falsifiées du philosophe, sonne bien à celui qui veut conquérir l’Europe. Wagner et Nietzsche, les deux anciens amis brouillés en raison de l’antisémitisme viscéral du premier, désormais au panthéon de l’idéologie nazie. Mais la mort rebat toujours les cartes, et la vie posthume s’apparente à une nouvelle naissance, où chacun retrouve sa place. Elisabeth et Adolf dans les limbes, Friedrich au sommet des plus hautes montagnes, là où on se rit des tragédies. Jean-Clément Martin-Borella
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