On voudrait ne pas faire lire un livre qu’on ne s’y prendrait pas autrement : les éditions Héloïse d’Ormesson publient “Une sainte” d’Emilie de Turckheim. On se dit jamais de la vie, je l’ouvre même pas ; OK je veux bein lire la 4ème de couverture, à la limite. Une jeune femme devient visiteur de prison - d’accord, très peu pour moi. Et cette photo de l’auteur, ce charmant sourire, un peu trop sage, ce doux visage sur fond bleu ciel, c’est vraiment pas possible. Au-dessus, la photo d’une pomme d’amour, et en bleu tout en haut “RENTREE LITTERAIRE 2013”. Sans
moi !
Le 27 août, Libé fait le portrait de la jeune femme, la photo intrigue : elle est très décoiffée et son rouge à lèvres vraiment rouge déborde de partout. C’est très Libé, c’est un peu gonflant à la longue, le décalé systématique, mais en même temps, c’est érotique, ça accroche - c’est quoi le jeu ?
On prend le livre, et on lit. Bim !
Bon, tout le monde peut se tromper, on ne va pas s’énerver pour un roman de la rentrée littéraire. Et franchement, un livre fagoté comme ça, vous l’auriez ouvert, vous ?
Eh bien, non seulement on peut l’ouvrir, mais il y a fort à parier que tous ceux qui l’ouvriront ne pourront plus le lâcher, que l’on me jette le premier roman si j’exagère. Ou alors, je ne sais plus ce que c’est qu’un bon livre, qu’une écriture souple et gorgée de vie, salée plus que sucrée, c’est même parfois acide - que vient faire ici une pomme d’amour ?
Quid du thème de la Parisienne qui vient frémir en prison en s’achetant une bonne conscience ? Clichés vite balayés. On pardonne beaucoup aux bons écrivains. Après tout, donner de son temps aux "bannis", leur apporter cette vie qu'ils n'ont plus, être capable de venir entendre la souffrance inouïe du prisonnier, son espérance atrophiée, peut-être déjà morte, combien en sont capables ? D’ailleurs ce qui fait qu’on ne lâche pas le livre n‘a rien à voir avec ce possible “thème”, ce qui compte, c’est ce travail du langage et du rythme qui est juste et qui séduit, surprend, enchante. Comme disent les musiciens : ça sonne ; à partir de là, on veut bien écouter toutes ces histoires, qui, c’est certain maintenant, n’ont rien d’anecdotique. Parce que nous avons là affaire à un vrai écrivain.
Reste peut-être à attendre la sortie du livre en poche pour s’épargner la douleur d’avoir à acheter un objet aussi laid.
Les éditeurs compulsent leurs statistiques : le lecteur est une lectrice, sensible à la propreté de la tête de gondole. Nous parlons bien d’un certain type de lecteur : le livre présentera bien chez Monsieur Leclerc, la dame qui écrit est vraiment charmante, ça ne peut pas être méchant. Attention, nous dira le responsable de ce produit, le livre est conçu pour être vendu, pas pour être lu ! Eh bien tant pis pour ceux qui passeront à côté du roman pour les mêmes mauvaises raisons que moi. CQFD
Un livre moche n'est pas forcément mauvais.
On voudrait ne pas faire lire un livre qu’on ne s’y prendrait pas autrement : les éditions Héloïse d’Ormesson publient “Une sainte” d’Emilie de Turckheim. On se dit jamais de la vie, je l’ouvre même pas ; OK je veux bein lire la 4ème de couverture, à la limite. Une jeune femme devient visiteur de prison - d’accord, très peu pour moi. Et cette photo de l’auteur, ce charmant sourire, un peu trop sage, ce doux visage sur fond bleu ciel, c’est vraiment pas possible. Au-dessus, la photo d’une pomme d’amour, et en bleu tout en haut “RENTREE LITTERAIRE 2013”. Sans moi !
Le 27 août, Libé fait le portrait de la jeune femme, la photo intrigue : elle est très décoiffée et son rouge à lèvres vraiment rouge déborde de partout. C’est très Libé, c’est un peu gonflant à la longue, le décalé systématique, mais en même temps, c’est érotique, ça accroche - c’est quoi le jeu ?
On prend le livre, et on lit. Bim !
Bon, tout le monde peut se tromper, on ne va pas s’énerver pour un roman de la rentrée littéraire. Et franchement, un livre fagoté comme ça, vous l’auriez ouvert, vous ?
Eh bien, non seulement on peut l’ouvrir, mais il y a fort à parier que tous ceux qui l’ouvriront ne pourront plus le lâcher, que l’on me jette le premier roman si j’exagère. Ou alors, je ne sais plus ce que c’est qu’un bon livre, qu’une écriture souple et gorgée de vie, salée plus que sucrée, c’est même parfois acide - que vient faire ici une pomme d’amour ?
Quid du thème de la Parisienne qui vient frémir en prison en s’achetant une bonne conscience ? Clichés vite balayés. On pardonne beaucoup aux bons écrivains. Après tout, donner de son temps aux "bannis", leur apporter cette vie qu'ils n'ont plus, être capable de venir entendre la souffrance inouïe du prisonnier, son espérance atrophiée, peut-être déjà morte, combien en sont capables ? D’ailleurs ce qui fait qu’on ne lâche pas le livre n‘a rien à voir avec ce possible “thème”, ce qui compte, c’est ce travail du langage et du rythme qui est juste et qui séduit, surprend, enchante. Comme disent les musiciens : ça sonne ; à partir de là, on veut bien écouter toutes ces histoires, qui, c’est certain maintenant, n’ont rien d’anecdotique. Parce que nous avons là affaire à un vrai écrivain.
Reste peut-être à attendre la sortie du livre en poche pour s’épargner la douleur d’avoir à acheter un objet aussi laid.
Les éditeurs compulsent leurs statistiques : le lecteur est une lectrice, sensible à la propreté de la tête de gondole. Nous parlons bien d’un certain type de lecteur : le livre présentera bien chez Monsieur Leclerc, la dame qui écrit est vraiment charmante, ça ne peut pas être méchant. Attention, nous dira le responsable de ce produit, le livre est conçu pour être vendu, pas pour être lu ! Eh bien tant pis pour ceux qui passeront à côté du roman pour les mêmes mauvaises raisons que moi. CQFD