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D'étranges oiseaux de métal sillonnent le ciel. Ils sont armés de missiles et tuent. Ceux qui les commandent ne sont pas à leur bord. Confortablement assis dans des salles climatisées à l'autre bout du monde, ils les pilotent par joysticks et écrans d'ordinateurs interposés. Ceci n'est plus de la science-fiction. Les drones, avions fantômes télécommandés, caméras létales volantes, sont devenus le fer de lance d'une nouvelle forme de pouvoir militaire hypertechnologisé.
Aux États-Unis, où l'on forme aujourd'hui davantage d'opérateurs de drones que de pilotes classiques, les plans officiels prévoient de convertir, demain, la majeure partie des forces aériennes et, après-demain, des forces terrestres elles-mêmes, en engins robotisés.
Le drone est l'instrument d'une violence à distance, où l'on peut voir sans être vu, toucher sans être touché, ôter des vies sans jamais risquer la sienne.
C'est l'arme de combattants invisibles et invulnérables, seulement présents sur le champ de bataille par le spectacle de la dévastation qu'ils y impulsent, mais à jamais absents par leurs corps. C'est le bras armé de guerres asymétriques devenues opérations unilatérales, où la mort devient le privilège exclusif de l'ennemi. Au plan politique, c'est la solution trouvée aux contradictions de puissances impérialistes qui voyaient leur volonté d'intervention bornée par "l'aversion pour les pertes", réelle ou supposée, de leurs "opinions publiques".
quand un gadget technologique remplace la vision politique
"Il y a une crise latente des valeurs guerrières, qui n’est pas nouvelle mais se cristallise sur le drone. Le drone apparaît très largement comme l’arme du lâche, de celui qui n’expose jamais sa vie. Pour les opinions publiques dans les pays frappés, mais aussi les pilotes eux-mêmes. L’image des pilotes de l’US Air force est celle, en grande partie fictionnelle, des chevaliers du ciel. C’est Tom Cruise dans Top Gun. Mais le drone rend les valeurs traditionnelles – courage, bravoure, esprit de sacrifice – superflues et même impossibles. Comme dans d’autres secteurs professionnels, les pilotes sont confrontés à une perte de statut, une déqualification matérielle et symbolique, avec la robotisation, l’automatisation."(https://www.bastamag.net/Drones-comment-des-milliers-de)
La philosophie peut nous sauver de cette idéologie de la télécommande : merci à Grégoire Chamayou et aux éditions de La Fabrique pour ce remarquable travail.