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Comment fabrique-t-on un monstre, ou un nouveau portrait de Robespierre.
Deux siècles après sa mort, Robespierre est toujours l'objet de passions et de controverses, qu'il soit considéré comme le parangon de la Révolution égalitaire ou comme le prototype du monstre politique, précurseur des totalitarismes. Sa mémoire divise encore tellement le pays, que le conseil municipal de Paris n'a toujours pas voulu qu'une rue lui soit dédiée.
Cette situation particulière conduit ses biographes à endosser soit la robe du juge, soit celle de l'avocat de la défense pour expliquer sa trajectoire considérée, par tous, comme unique et incomparable.
Cet ouvrage est né d'un choix différent. En refusant de considérer sa courte vie comme une destinée exceptionnelle, en envisageant l'homme parmi ses contemporains, ses pairs, ses amis et ses rivaux, il montre comment Robespierre, élève brillant comme tant d'autres, s'est trouvé engagé dans la Révolution naissante avant d'acquérir le surnom d'incorruptible l'été 1791.
Orateur reconnu, mais politique marginalisé, il lui faut attendre l'été 1793 pour partager le pouvoir avec ses collègues du Comité de Salut public et devoir organiser au gré d'alliances complexes la victoire de la Révolution. Il n'en a pas été le " chef ", comme il est souvent dit, et il n'en a jamais eu le contrôle. Ce n'est qu'au printemps 1794 qu'il incarne une voie particulière, et mal comprise, au sein du Comité voulant contrôler la violence politique et établir le culte de l'Etre suprême.
Ses initiatives font craindre qu'il fomente un coup d'Etat et il est mis hors la loi, puis envoyé à l'échafaud, au terme d'une épuration politique analogue à celles auxquelles il avait prêté la main auparavant.
La différence essentielle est qu'au lendemain de sa mort, il devient pour l'opinion le responsable unique de la Terreur, alors qu'il est loin d'être le seul à l'avoir pratiquée.
Ce livre, profondément novateur, est donc l'histoire de la " fabrication " d'un monstre, point culminant d'une aventure personnelle comme il y eut d'autres à l'époque. Sa vie n'est plus résumée à une suite de discours programmatiques, mais bien enracinée dans le cours des événements, expliquée par les jeux politiques et les urgences militaires.
L'homme Robespierre n'est ni un mystère, ni le chef d'une secte, mais l'un de ces jeunes hommes, acteurs d'une histoire qui les dépasse et qui les fige dans des postures vouées à l'éternité.
RECOMMANDÉ PAR LE SITE CULTURE CHRONIQUE
Robespierre est l’un des grands perdants de la révolution française mais aussi de l’Histoire de France. Il porte à lui seul tout le poids de la Terreur et son nom résonne dans les livres d’Histoire comme trois syllabes inquiétantes. Jean-Clément Martin nous propose une biographie résolument historique en s’appliquant à n’étudier que les faits et en évitant l’écueil de l’approche psychologisante. L’historien qui a dirigé l’institut d’Histoire de la révolution française connait son sujet et sait guider son lecteur à travers les différentes étapes qui menèrent ce jeune notable d’Arras jusqu’au pouvoir au sommet de la jeune et première République.
L’habileté de Jean-Clément Martin tient à sa capacité à porter le fer là où beaucoup d’autres se sont contentés de dénoncer la monstruosité du personnage. Le sous titre de cette biographie “La fabrication d’un monstre” met en évidence le souci qu’a eu l’historien de mettre en évidence comment les successeurs de “l’Incorruptible” en ont fait le seul responsable de la Terreur. Sans chercher à vouloir le réhabiliter Jean-Clément Martin montre à quel point le pouvoir ne fut rien d’autre qu’une épreuve pour celui que la Révolution révéla, épuisa et finalement contribua à détruire. Certes Robespierre porte des responsabilité indéniable dans le phénomène de la Terreur mais lorsqu’il accéda au pouvoir le climat politique est déjà délétère et s’il fut tant dénoncé comme étant l’instigateur de ce moment politique meurtrier, les faits semblent plutôt démontrer qu’il en a été le fusible. Les anciens Thermidoriens se sont empressés d’un faire le responsable unique des évènements que sa mort , celle de Saint-Just et de Couthon vont refermer. Comme l’écrit fort bien l’historien “ le 9 Thermidor la couronne d’épines ne lui a pas été posée sur le crâne par hasard.
Cet ouvrage d’une lecture plaisante permet de saisir cette personnalité complexe, obsédé par un idéal inatteignable et que les circonstances contraires transformèrent en bouc émissaire. Un livre important.
Archibald PLOOM (CULTURE-CHRONIQUE)