Julia, surnommée Turtle ou Croquette, vit seule avec son père au fin fond de la Californie. Sous la coupe de cet homme violent et incestueux, l’adolescente mène une vie marginale, repliée sur son calvaire et fermée à toute aide extérieure, avec pour seul exutoire ses longues divagations dans les coins de nature sauvage des environs et son entraînement quotidien au maniement des armes dont leur maison quasi en ruines regorge.
Déchirée entre haine et amour envers ce père cultivé, lecteur des grands philosophes, adepte du survivalisme, et qui oscille constamment entre tendresse et
cruauté, Julia se verra finalement acculée au terrible choix entre tuer ou mourir.
Voici un livre fort dérangeant, qu’on aimera ou qu’on détestera, et peut-être les deux à la fois.
Entre les séquences au sein d’une nature assez hostile dont on découvrira une foule d’espèces animales et végétales inconnues en Europe, entre les séances de tirs et de maniement d’armes à feu dans une maison criblée de balles, monte peu à peu une tension entretenue par une succession de scènes toutes aussi insoutenables les unes que les autres : inceste, pédophilie, maltraitance physique et psychologique, « chirurgie » à domicile dans les pires conditions…, le tout assaisonné de l’ordurier langage paternel.
Ce qui fait l’intérêt de cette histoire est le talent de l’auteur : bien construit, bien écrit et bien traduit, le roman instille une atmosphère sombre et glauque, dans un contexte typiquement américain, où évoluent des personnages ambivalents, englués dans leurs failles et contradictions, incarnés avec précision et réalisme. Le lecteur se retrouve embarqué dans un huis-clos vénéneux et perturbant, dont il ressortira presque autant meurtri que son personnage principal.
L’on peut toutefois se demander à quelle fin : tant de témoignages réels rapportent la véritable souffrance des victimes d’inceste et de pédophilie, pourquoi et comment en imaginer une autre, sans tomber dans le travers d’une violence gratuite et d’une surenchère complaisante ? Car, globalement, c’est quand même bien une certaine fascination pour l’horrible et le goût du sensationnel qui pourraient risquer de l’emporter dans ce livre, à l’image de son final explosif, digne des scenarios d’action les plus musclés, et un peu « too much » pour demeurer crédible.
Vous risquez donc fort de garder de cette lecture l’impression déroutante d’une insoluble ambivalence : celles des personnages, mais surtout, la vôtre, si, comme moi, vous restez incapable de décider si vous aimez ou pas ce premier roman, quoi qu’il en soit révélateur de l’indéniable talent de son auteur.
Quel Tallent!!
Un roman puissant, pesant, fascinant, révoltant, qui ne vous laissera pas indifférent et vous marquera durablement... L'écriture de Gabriel Tallent est pure, touchante, sublime, il navigue tout le long entre réalité crue et poésie. La violence des sentiments et des actes est sans cesse contrebalancée par la beauté de la nature. Un portrait d'adolescente plein de justesse, on s'attache à cette héroïne perdue dans une relation amour-haine avec son père, on souffre avec Turtle, on veut la sauver de l'emprise paternelle, souvent on ne la comprends pas, parfois on la rejette mais on l'aime! My absolute Coup de coeur!!