Le sujet derrière la muraille. A propos de la question des deux langues dans la tradition chinoise

Par : Rainier Lanselle
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  • Nombre de pages120
  • FormatePub
  • ISBN978-2-7492-2366-7
  • EAN9782749223667
  • Date de parution26/11/2012
  • Protection num.Digital Watermarking
  • Taille4 Mo
  • Infos supplémentairesepub
  • ÉditeurErès

Résumé

Pour rendre compte d'elle-même, la civilisation chinoise a fait usage d'une langue écrite fortement codifiée et située très à l'écart de la langue naturelle. Le sujet, pris dans un tel langage, ne « se » dit pas, mais se trouve restitué selon un processus qui le retransforme en fonction de l'idéal dont ce code est porteur. A côté de cette langue, « classique », une deuxième langue, « vulgaire », a fini par prendre naissance, qui a visé, elle, à reproduire le langage parlé.
Pendant une longue période de son histoire - plus d'un millénaire - la Chine a ainsi connu, pour ce qui fut de son expression écrite, une situation de clivage unique, clivage dont l'une des deux facettes, celle qui était située du côté de la reproduction de l'oralité, s'est trouvée réservée à la consignation des récits romanesques et du théâtre. La tension entre ces deux modes jette indirectement une lumière sur les visées inconscientes de ce retravail de la réalité du sujet dont est porteuse l'entreprise idéographique : et s'il apparaissait qu'une déhiscence, qu'une fissure pût apparaître dans le système fermé qui place le sujet à l'abri de la muraille de la perfection reconstituée dans laquelle le code écrit rend compte de lui, mais dans le même temps le rend mutique ? S'il se faisait que des brèches vinssent jeter le doute dans cette tentative de réécriture de l'histoire du sujet, brèches qui seraient occasionnées par quelque chose se situant au niveau de sa prise de parole ? Pris entre deux langages, le sujet ne s'est jamais dit, en Chine, comme sujet.
Et pour cause : le système de langage dont il s'est doté a visé à le pourvoir en inviolabilité. Le thème de la muraille est une figure qui dit précisément la séparation, pour ce qui est du sujet, du savoir et de la vérité. Et la brèche, en servant d'image à ce qu'aurait de redoutable la perte de cette séparation, traduit le caractère inévitable de cette dernière.
Pour rendre compte d'elle-même, la civilisation chinoise a fait usage d'une langue écrite fortement codifiée et située très à l'écart de la langue naturelle. Le sujet, pris dans un tel langage, ne « se » dit pas, mais se trouve restitué selon un processus qui le retransforme en fonction de l'idéal dont ce code est porteur. A côté de cette langue, « classique », une deuxième langue, « vulgaire », a fini par prendre naissance, qui a visé, elle, à reproduire le langage parlé.
Pendant une longue période de son histoire - plus d'un millénaire - la Chine a ainsi connu, pour ce qui fut de son expression écrite, une situation de clivage unique, clivage dont l'une des deux facettes, celle qui était située du côté de la reproduction de l'oralité, s'est trouvée réservée à la consignation des récits romanesques et du théâtre. La tension entre ces deux modes jette indirectement une lumière sur les visées inconscientes de ce retravail de la réalité du sujet dont est porteuse l'entreprise idéographique : et s'il apparaissait qu'une déhiscence, qu'une fissure pût apparaître dans le système fermé qui place le sujet à l'abri de la muraille de la perfection reconstituée dans laquelle le code écrit rend compte de lui, mais dans le même temps le rend mutique ? S'il se faisait que des brèches vinssent jeter le doute dans cette tentative de réécriture de l'histoire du sujet, brèches qui seraient occasionnées par quelque chose se situant au niveau de sa prise de parole ? Pris entre deux langages, le sujet ne s'est jamais dit, en Chine, comme sujet.
Et pour cause : le système de langage dont il s'est doté a visé à le pourvoir en inviolabilité. Le thème de la muraille est une figure qui dit précisément la séparation, pour ce qui est du sujet, du savoir et de la vérité. Et la brèche, en servant d'image à ce qu'aurait de redoutable la perte de cette séparation, traduit le caractère inévitable de cette dernière.
Rainier Lanselle est Maître de conférences HDR en études chinoises à l'Université Paris Diderot et membre du Centre de recherches sur les civilisations de l'Asie orientale (CRCAO, UMR 8155 du CNRS). Ses recherches portent sur le roman, le conte et le théâtre chinois des époques Yuan, Ming et Qing (XIIIe - XVIIIe siècles).