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On pourrait penser que la postière, sourde et sans le sou, tuée à Akureyri, et le capitaliste, nouveau Viking de Reykjavik, à la tête d'un portefeuille de millions en créances, n'ont aucun rapport l'une avec l'autre. Et pourtant le destin fait se croiser leurs chemins lorsque, malgré l'opposition de la police, Einar enquête pour son journal sur la disparition d'une petite fille.
Einar, ironique et tendre, a rarement été confronté à un crime aussi complexe.
Rien ne s'est passé comme on pourrait s'y attendre. Portrait caustique et désabusé de l'Islande contemporaine, ce roman décrit l'évolution rapide des mours et la corruption des âmes. Le surprenant retournement final est dérangeant dans sa description de l'innocence perdue et de l'irréversibilité des évolutions de société.
L'intrigue resserrée et bien menée entraîne le lecteur fasciné aux côtés de cet enquêteur à la fois nonchalant et lucide.
Un roman passionnant, éclairant et terrifiant.
Arni Thorarinsson est né en 1950 à Reykjavik, où il vit actuellement. Après un diplôme de littérature comparée à l'université de Norwich en Angleterre, il travaille pour différents grands journaux islandais. Il participe à des jurys de festivals internationaux de cinéma et a été organisateur du Festival de cinéma de Reykjavik de 1989 à 1991. Ses romans sont traduits en Allemagne et au Danemark.
Il est l'auteur du Temps de la sorcière, Le dresseur d'insectes et Le Septième fils, tous publiés aux Editions Métailié.
Un polar nordique captivant
Ce que j'aime chez les auteurs de policiers nordiques, c'est le ton. Dès les premières pages, je me cale dans l'atmosphère parce que le narrateur est plaisant et complet. Il n'y a pas que l'enquête, il y a la vie des gens, les discussions entre amis, parents ou collègues.
De plus, l'intrigue est intéressante et bien menée. Nous sommes juste après la crise économique en Islande, lorsque les nouveaux Vikings, ces hommes d'affaires qui ont un peu abusé de la situation se retrouvent ruinés.
L'auteur construit un complexe écheveau d'intrigues. Il y a d'une part la mort de cette jeune factrice malentendante découverte par notre journaliste, Einar. Puis cette interview du richissime homme d'affaires, Ölwer qui amènera la disparition de sa petite fille, Margret Bara. Einar couvre ces différents sujets dans le journal où il travaille, Le journal du soir.
Sur ces deux enquêtes principales vient aussi se greffer une enquête personnelle d'une de ses collègues, Sigurbjörg, concernant un ancien chanteur de rock aujourd'hui sur la touche, Rikhardur Hansson.
Toutes ces recherches se mêlent habilement, avec le quotidien des personnages, si bien que vous ne pouvez plus lâcher le livre et que vous êtes complètement happés par le suspense.
Les personnages sont très bien analysés, les caractères se dévoilent. Ölwer, le père égoïste et avide de pouvoir et d'argent finit par craquer. Sa femme, en instance de divorce, lâche des vérités, meurtrie par le chagrin et perdue dans l'alcool. Mais ces sentiments mettent en évidence la décadence de cette classe pourrie par l'argent, la perte des valeurs de cette nouvelle société islandaise.
" Rien de ce que nous pouvons acquérir n'a plus de valeur que nos enfants. Sans eux, nous n'avons aucun avenir. J'avais perdu cette vérité essentielle et évidente."
" On se demande parfois si la seule chose qui unit cette nation ne se résume pas à un ensemble de signaux GSM, de conversations téléphoniques, de SMS, de photos ou de vidéos prises avec des portables, et je ne sais quoi encore. Qui a besoin de liens familiaux alors qu'il possède un portable?"
Einar est un personnage très attachant, naturel, plaisant et humain. Il a son humour, ses valeurs, ses coups de gueule, ses affinités et ses rivalités au sein de la police.
Voici donc un roman policier comme je les aime, riche, bien construit et humain.