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« Durant des mois, je vous ai lu, j'ai vécu avec vous, et vous avez été l'objet de bien de mes pensées ; je savais que, quoi que m'eût apporté ma journée, le soir, bien calé sur mon lit et dans le creux de mon oreiller, je retrouverais l'atmosphère bienveillante de votre chambre, les lourdes tentures tirées devant la porte et les fenêtres aux volets fermés, le grésillement de votre pipe d'opium et les volutes bleutées s'élevant doucement vers le plafond, avec aux murs les tableaux de Dalí, Max Ernst, Dubuffet, veilleurs de vos songes étranges.
Et pour peu que je doive, pour dormir un peu, prendre un cachet de morphine, j'aurais le sentiment de communier avec vous dans la bousculade de mes pensées ; les mots auraient un sens, et, pour une heure ou deux, je serais poète avec vous. » Dans la lignée du magnifique Dans ma peau, Guillaume de Fonclare propose un portrait subtilement croisé avec le poète Joë Bousquet, qui, paralysé durant la Grande Guerre, produisit une oeuvre intense et fulgurante.
Une rencontre
"L'invalidité, c'est un état d'esprit, murmurez-vous et nous sommes tous des invalides". Le livre pourrait être une brève biographie mais c'est plutôt une rencontre à défaut d'une correspondance et l'envie d'une amitié tant souhaitée au delà du temps. C'est une véritable rencontre avec un destin hors norme et un homme si proche et complètement hors du commun par un destin qui regardé en entier questionne et interroge au delà du commun. C'est un même empêchement qui change le rapport à la vie, le rapport à l'avenir. C'est une lettre amicale à celui qui comme vous pourrait renoncer ou prendre toute la mesure d'une telle décision. C'est une vie qui confirme quelque chose d'un peu fragile que l'on tient pourtant pour essentiel en bien des situations : "Je m'en doutais, j'en étais certain même ; l'esprit peut tout quand il est à l’œuvre". C'est une passerelle entre deux temps, deux époques, deux vies et la révélation d'un fil invisible qui renforce et relance. Au départ une vague ressemblance : le corps meurtri et la tête haute...