Mes Chers Vous,
Assem est un agent du renseignement français. Alors qu'il démarre son ultime mission, à Zurich, il croise Mariam.
Elle est irakienne et archéologue. Elle essaie de sauver les trésors des villes détruites par les terroristes.
Dans ce monde en friche, ils sont tous deux fatigués de cette vie qu'ils ont menés l'un et l'autre pour lutter contre la barbarie de l'Homme.
Ils sont tous deux à ce moment si particulier pendant lequel il est temps de se retourner sur sa vie et d'en faire le bilan.
Laurent Gaudé aurait pu offrir au lecteur le bilan de ces deux vies, celle d'Assem
et de Mariam, qui se croisent en plein effondrement de Mossoul... Il aurait alors été simple de comparer la chute d'un pays au bilan d'une vie qui conclurait alors peut-être à sa défaite...
"La défaite vraie, profonde, la défaite que les hommes sentent en eux, un beau jour, comme une force qui leur pèse, les rend moins rapides, moins innocents, la défaite du corps qui s'empâte, se gonfle, s'essouffle, et les yeux qui voudraient ne pas avoir tant vu."
Mais, effectivement, cela aurait été céder à la facilité... parce que quoi de plus complexe qu'une vie entière ? Quoi de plus emplie de mille et une choses qu'une vie aboutie qui entame son dernier cycle, inéluctable ?
Pour mieux comprendre à quel point il est essentiel de saisir que l'on apprend plus de ses défaites que de ses victoires, Laurent Gaudé crée un roman choral mêlant à la fois la voix d'Hannibal marchant sur Rome, du général Grant écrasant les confédérés à celle d'Hailé Sélassié prenant la décision de se dresser contre l'invasion fasciste...
Aussi étrange que cela puisse paraître, ces voix, qui pourraient être dissonantes, se mêlent avec fluidité et beauté, créant un récit d'une puissance rare.
Et doucement, au fil des pages, Laurent Gaudé rappelle que si l'Homme aime regarder avec fierté ses victoires, il doit aussi apprendre à Ecouter ses défaites... parce que ce sont elles qui lui auront donné les plus grandes leçons.
"Qui vincit non est victor nisi victur fatetur."
Celui qui est victorieux ne l'est pas tant que le vaincu ne se considère pas comme tel.
Un roman qui pourrait sembler mélancolique mais qui rappelle surtout à quel point il est important de continuer, à chaque instant, de se battre pour deux choses : la Beauté et l'Humanité... en soi, la Vie !
Et puis, si vous aimez les beaux mots, vous (re)découvrirez également l'absolument magnifique poème de Constantin Cavafy, "Corps, souviens-toi..."
http://cecibondelire.canalblog.com/archives/2022/01/08/39295755.html
Vainqueurs et vaincus
Difficile de rester indifférent à ce dernier livre du talentueux français, son style respire la maîtrise et la maturité. Il s'agit ici d'un récit entrecroisé de quatre destins singuliers à travers l'Histoire : un espion habitué du Moyen-Orient, une conservatrice de musée confrontée à la destruction d'un patrimoine millénaire, et plus lointain, le général Grant vers la fin de la Guerre de Sécession et Haïlé Sélassié, l'empereur déchu d'Ethiopie. Un fil rouge pour relier ces personnages : la victoire, ou la défaite de chacun d'eux, et leur manière de la vivre. Gaudé propose son analyse et nous laisse juger : les vainqueurs le sont-ils pleinement ? Et de même, les perdants le sont-ils vraiment ?