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Il existe une dissymétrie fondamentale entre malheur et bonheur. À la différence du premier, qui est hélas aisé à identifier (maladie grave, deuil d'un être aimé, accident de la vie...), le second est indéfinissable.
Nul ne peut jamais être absolument certain de ce qui va le rendre durablement heureux - argent, amour, réussite sociale, savoirs : tout ce qui nous apporte de la joie peut se renverser en son contraire.
À l'encontre de ce que prétendent les marchands de bonheur, être heureux dépend infiniment moins d'un travail sur soi que de l'état du monde et du sort de ceux que nous aimons.
J'ai la conviction que les illusions rendent malade, la lucidité seule ouvrant des voies vers la santé, et, si la philosophie m'a peut-être bien sauvé la vie, c'est assurément sur ce chemin-là.
À l'opposé des recettes d'un prétendu " souverain bien " par soi seul, ce que j'ai voulu ici partager avec mon lecteur, c'est une joyeuse déconstruction des illusions en même temps qu'une analyse de ce qui dans nos vies permet de réels moments d'intensité et de sérénité.
Luc Ferry est philosophe.
Il a été, de 2002 à 2004, ministre de la Jeunesse, de l'éducation nationale et de la Recherche. Ses livres sont traduits à l'étranger dans plus d'une quarantaine de langues. Il est l'auteur de Familles, je vous aime (XO éditions, 2007), de La Révolution de l'amour (Plon, 2010) et de La Révolution transhumaniste (Plon, 2016).
RECOMMANDÉ PAR CULTURE-CHRONIQUE
Luc Ferry depuis le début de sa carrière – hormis le fait qu’il est l’un des meilleurs spécialistes de la pensée de Kant – a examiné depuis le début de sa carrière de philosophe la question de la vie bonne. C’est ainsi que les anciens, ceux qui vécurent dans l’antiquité, interrogeait la condition humaine. Ferry qui, de son côté se pencha sur la pensée 68, n’a jamais cessé d’éclairer les thématiques liées à la présence de l’homme sur terre et au sens qu’il doit ou peut donner à sa vie. S’intéresser à ces questions oblige d’une certaine manière à se placer en aplomb de l’existence humaine et à en écarter les illusions. Il ne faut rien néglier de ce qui contribue au plaisir, à la souffrance ou encore au bonheur.
Dans les sagesses anciennes, chez les épicuriens comme les stoïciens mais tout autant chez Aristote, dans le judaïsme, le bouddhisme ou le taoïsme, l’idée de bonheur occupe une place centrale dans la réflexion sur le sens de l’existence. Ce n’est qu’avec la naissance du christianisme et plus encore avec sa variante catholique, que les choses se gâtent, que le bonheur, du moins ici-bas, sur terre, sinon au ciel, devient assez largement secondaire, pour ne pas dire suspect. Dans la vie du chrétien catholique ce n’est pas le bonheur qui ouvre un accès au Royaume de Dieu, ce sont plutôt les maux inhérents à l’existence terrestre qui nous donne l’occasion de s’y préparer et de trouver une voie vers le salut.
La philosophie offre évidemment une autre approche. Elle est l’autre réponse. Celle qu’Ulysse a retenue quand il va refuser l’immortalité et la jeunesse éternelle que lui offre Calypso. Mais force est de constater que la vision laïque de la destinée humaine a beaucoup évolué et c’est l’un des points forts de l’ouvrage que de faire ressortir leurs variations. L’approche de Luc Ferry qui balaie près de trois mille ans de l’histoire des idée saute à pieds joints au dessus de la formule de Flaubert placée en exergue au début de l’ouvrage :” Etre bête, égoïste et avoir une bonne santé : voilà les trois conditions voulues pour être heureux. Mais si la première vous manque, tout est perdu.”
“7 façons d’être heureux” ne propose aucune recette, aucune solution toute faite. C’est un ouvrage qui nous contraint à la lucidité loin des idéologies consolatrices et du baume illusoire de la société de consommation. Un livre éclairant à lire, relire et à méditer.
Archibald PLOOM (CULTURE-CHRONIQUE.COM)