La comète de 1812, par Léon Tolstoï : "Il faisait un beau temps de gel. Au-dessus des rues malpropres, à demi obscures, au-dessus des toits noirs se déployait un ciel sombre, semé d'étoiles. La contemplation de cette splendeur sereine pouvait seule faire oublier à Pierre la bassesse des choses humaines en comparaison des hauteurs où se trouvait son âme. Comme il arrivait sur la place de l'Arbate, un vaste espace de voûte étoilée se découvrit à ses yeux.
Presque au milieu du ciel, juste au-dessus du boulevard Prétchistenki, apparaissait dans un cortège d'étoiles - dont elle se distinguait par sa plus grande proximité, sa lumière blanche, sa longue chevelure relevée du bout l'énorme et brillante comète de 1812, cette même comète qui, prétendait-on, annonçait tant d'horreurs et même la fin du monde. Mais cette lumineuse étoile à la chevelure rayonnante n'éveilla chez Pierre aucune terreur.
Bien au contraire, il la contemplait avec joie de ses yeux mouillés de larmes : elle semblait, après avoir parcouru d'incommensurables espaces à une vitesse infinie suivant une ligne parabolique, s'être soudain plantée, comme une flèche qui se fiche en terre, à la place qu'elle avait choisie dans ce ciel noir et restait là, hérissant sa chevelure, faisant jouer les feux de sa lumière blanche parmi d'innombrables étoiles scintillantes.
Et Pierre trouvait un accord mystérieux entre la splendeur de cet astre et la résurrection de son âme attendrie, épanouie à une vie nouvelle." Guerre et paix (1865-1869), trad. du russe par Henri Mongault, "La Pléiade", Gallimard, 1945.
La comète de 1812, par Léon Tolstoï : "Il faisait un beau temps de gel. Au-dessus des rues malpropres, à demi obscures, au-dessus des toits noirs se déployait un ciel sombre, semé d'étoiles. La contemplation de cette splendeur sereine pouvait seule faire oublier à Pierre la bassesse des choses humaines en comparaison des hauteurs où se trouvait son âme. Comme il arrivait sur la place de l'Arbate, un vaste espace de voûte étoilée se découvrit à ses yeux.
Presque au milieu du ciel, juste au-dessus du boulevard Prétchistenki, apparaissait dans un cortège d'étoiles - dont elle se distinguait par sa plus grande proximité, sa lumière blanche, sa longue chevelure relevée du bout l'énorme et brillante comète de 1812, cette même comète qui, prétendait-on, annonçait tant d'horreurs et même la fin du monde. Mais cette lumineuse étoile à la chevelure rayonnante n'éveilla chez Pierre aucune terreur.
Bien au contraire, il la contemplait avec joie de ses yeux mouillés de larmes : elle semblait, après avoir parcouru d'incommensurables espaces à une vitesse infinie suivant une ligne parabolique, s'être soudain plantée, comme une flèche qui se fiche en terre, à la place qu'elle avait choisie dans ce ciel noir et restait là, hérissant sa chevelure, faisant jouer les feux de sa lumière blanche parmi d'innombrables étoiles scintillantes.
Et Pierre trouvait un accord mystérieux entre la splendeur de cet astre et la résurrection de son âme attendrie, épanouie à une vie nouvelle." Guerre et paix (1865-1869), trad. du russe par Henri Mongault, "La Pléiade", Gallimard, 1945.