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Ceux qui suivent attentivement la littérature altermondialiste française de ces dernières semaines savent que le mouvement joue en ce moment son avenir. Tous les appels en faveur d'une " nouvelle étape ", d'une " nouvelle dynamique ", d'un " renouvellement ", etc., reflètent les craintes d'un essoufflement généralisé, d'une panne de mobilisation, d'une lassitude face à des forums sociaux médiatisés mais qui ne débouchent sur rien de bien précis.
Les militants altermondialistes n'ont pourtant pas à rougir de leurs efforts. Regardés de haut depuis les montagnes de Davos par les élites politiques et économiques il y a à peine quatre ans, ils sont désormais reconnus comme des acteurs à part entière de la scène politique mondiale. Les gouvernements acceptent de les rencontrer, les institutions internationales cherchent à les séduire, les firmes multinationales engagent avec eux des partenariats et les universitaires les scrutent au microscope.
Belle consécration!
Cette victoire politique n'est pas-négligeable. Dans un monde - où l'hégémonie des Etats-Unis et l'influence du pouvoir économique atteignent des proportions inquiétantes, avoir réussi à se faire une place pour convaincre qu'un autre monde, moins inégal et plus respectueux de la planète, est une utopie pour laquelle il vaut la peine de se mobiliser n'est pas une mince réussite.
Ce résultat, pour satisfaisant qu'il soit, ne suffit pas à changer le monde. Pire, pointe l'angoisse, comme l'exprime ici René Passet, d'être devenu le fou du roi, celui qui, sous ses airs provocateurs, n'est en fait que le rouage d'un système - hier la monarchie, aujourd'hui le capitalisme-qu'il entretient. Comme l'a montré l'économiste américain Albert O. Hirschman il y a plus de vingt ans dans Bonheur privé, action publique, tout engagement public bute à un moment donné sur la déception.
Elle s'explique en partie par le fait que " le résultat attendu d'une action publique est un produit de l'imagination du citoyen " et que notre esprit a tendance à projeter la nécessité de changements radicaux, de grandes victoires révolutionnaires et symboliques. Christian Chavagneux